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et en beurre, c’est elle qui fournit habituellement le bœuf gras, et pour cette circonstance extraordinaire elle a produit des animaux dont le poids s’est élevé jusqu’à près de 2,000 kilog. Quant au beurre, il suffit de nommer Isigny et Gournay pour donner une idée de sa qualité et de sa quantité. La race normande s’étend sur cinq ou six départemens ; elle se partage en deux variétés, la grande, qui est préférée pour la boucherie, et la petite qui est la laitière par excellence. Trois circonstances ont contribué à la développer à ce point, l’excellence des pâturages, l’ancienneté du débouché de Paris, et l’absence à peu près complète de travail. Cependant les connaisseurs lui reprochent de s’être formée d’elle-même, sans que les éleveurs se soient proposé, comme les Anglais, un but raisonné ; il en est résulté que ni la grande ni la petite ne satisfont complètement par leur conformation, quel que soit d’ailleurs leur produit : la grande est encore trop osseuse, elle n’a pas ces formes cylindriques qu’on admire dans les durham, et la petite n’est pas tout à fait aussi bien constituée pour la laiterie que la vache d’Ayr.

On peut porter remède à ces défauts de deux façons, ou par des croisemens avec les races anglaises, ou par un choix désormais mieux entendu d’animaux reproducteurs, pris dans la race elle-même. Ces deux procédés sont maintenant employés concurremment. J’ai déjà dit que je préférais le premier comme plus expéditif, et les meilleurs agronomes normands sont de mon avis : le premier prix des croisemens a été précisément obtenu parmi durham-normand exposé par M. Grégoire (Orne) ; mais le plus grand nombre préfère le second, et on a déjà obtenu dans cette voie de beaux résultats. Parmi les animaux de race pure présentés à l’exposition, il y en avait une douzaine, déjà primés pour la plupart dans les concours régionaux de Rouen et de Caen, qui ne laissaient plus que peu de chose à désirer. Au fond, le résultat est le même ; le chemin est un peu plus long pour y arriver, mais il est accessible à un plus grand nombre, ce qui est bien quelque chose. Soit pure, soit croisée, la race normande était déjà une des mieux nourries, des mieux exploitées en vue du profit, et elle gardera ces avantages.

J’estime que la Normandie doit produire annuellement environ 100,000 bœufs gras, d’un poids moyen considérable, ou le quart environ de la viande consommée en France. La moitié vient se faire manger à Paris ; le reste sert à la consommation locale. Ces cinq départemens nourrissent en outre 500,000 vaches, et leur population bovine doit être en tout d’un million de têtes, ou le dixième de la France entière. Relativement à la superficie, c’est la même proportion qu’en Angleterre, ou une tête sur trois hectares. Outre la Normandie proprement dite, la race cotentine s’étend encore dans les