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d’abord des concours régionaux. La France a été partagée en huit régions ; j’en aurais mieux aimé quinze ou seize, car les circonscriptions actuelles me paraissent trop étendues, mais ce n’est là qu’une question de détail ; chaque région a tous les ans son concours spécial d’animaux reproducteurs, qui se tient tantôt dans une ville, tantôt dans une autre, pour faciliter à tous les points du territoire l’accès de ces solennités champêtres ; puis à Paris a lieu un concours général, qui tend a réunir les animaux primés dans les concours régionaux ; une somme de 150,000 fr. environ, portée maintenant à 250,000 par l’établissement du concours universel, et suffisante pour exciter l’émulation sans imposer une charge sérieuse aux contribuables, se distribue en prix. Cette organisation a réussi.

Je ne dis pas que ce succès soit bien profond : il commence à peine, il n’a pas eu le temps de se généraliser ; tout est concentré encore dans un petit monde plus ou moins officiel, et l’effet réel sur la production nationale est jusqu’ici peu sensible. Il faut du temps pour tout, pour l’agriculture en particulier, qui marche d’autant plus lentement qu’elle a de plus grands intérêts à remuer. Cependant chaque année on fait un pas ; les vrais cultivateurs arrivent peu à peu, le nombre des animaux exposés dans chaque région s’accroît, leur qualité s’améliore, une discussion publique s’établit sur les meilleurs moyens de tirer du bétail le plus grand profit, les idées pénètrent et s’infiltrent goutte à goutte. Le programme des concours se perfectionne lui-même par l’expérience, une foule de questions s’y rattachent qui tiennent en éveil les hommes spéciaux. L’année dernière, on a admis les femelles qu’on avait exclues à tort auparavant ; cette année, on a introduit des catégories d’âge qui manquaient ; l’année prochaine, ce sera probablement autre chose, car il y a encore beaucoup à dire. Le principe est bon, c’est l’essentiel.

L’année 1855 marquera dans l’histoire de cette institution naissante. L’idée de l’exposition universelle était une innovation hardie ; si elle avait échoué, l’avenir des concours, même nationaux, eut été compromis ; heureusement c’est le contraire qui arrive. On a osé faire payer à la porte pour entrer, et le public n’en est pas moins venu ; 80,000 curieux en trois jours ont apporté leur petit tribut, bien que la chaleur fût excessive, et le théâtre de l’exposition très éloigné du centre de Paris. Dans cette ville de spectacles, le concours d’animaux reproducteurs est désormais un spectacle de plus, accueilli et recherché par la foule. On peut considérer l’institution comme fondée, ce dont il faut toujours se féliciter dans un pays capricieux comme le nôtre. Il entre sans doute beaucoup de frivolité dans cet empressement, le Champ-de-Mars a été encore une fois une annexe de l’hippodrome ; il faut bien prendre le public français comme