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après avoir été envoyée vers la frontière norvégienne dans le dessein d’obtenir de ce côté une compensation à la perte de la Finlande, s’était vue tout à coup condamnée à l’inaction, quand Gustave, gouverné par son caprice, avait résolu d’abandonner cette entreprise et de porter ses efforts vers une campagne en Seeland. Cette armée, officiers et soldats, avait adopté chaleureusement le but qu’on avait proposé à son ardeur, la conquête de la Norvège ; elle ne renonçait pas à donner à sa patrie ce beau complément de territoire et de puissance en échange de ce qu’elle avait perdu, et lorsque cette fois encore Gustave commit la faute d’arrêter lui-même ses efforts, elle voulut cependant obtenir à tout prix, même au prix de la défection et de la révolte, ce qu’elle aurait voulu devoir à sa fidèle obéissance envers un roi protecteur et non pas meurtrier de ses sujets. Le colonel, plus tard général et baron Adlersparre, qui commandait l’aile droite de cette armée, se trouva désigné par l’estime générale pour devenir le chef de la conspiration. Il n’accepta un tel rôle que comme un devoir envers la patrie, et non point par vengeance ou par ambition personnelle. Homme instruit, écrivain élégant, un peu poète, c’était avant tout une intelligence élevée, généreuse, mais se possédant toujours elle-même dans son dévouement. « Dès l’automne de 1808, dit le baron Adlesparre dans une histoire des dernières années de Gustave IV qu’il a publiée, tous les esprits étaient convaincus de la nécessité d’un changement… Je dois reconnaître que je n’étais pas aussi empressé. La perspective d’une ruine si complète et si violente, la crainte d’une conflagration générale m’arrêtaient, bien que je visse mon pays courbé sous une terrible nécessité, et que la confiance sans limites de mes compagnons d’armes et de mes concitoyens ne me permit pas le refus. » Adlersparre prit du moins toutes les mesures pour circonscrire le nombre et le cercle d’action des conjurés ; il eut des entrevues avec le prince Christian-Auguste, chargé par le roi de Danemark de défendre la Norvège, il en sut obtenir une trêve immédiate, et peut-être la promesse d’accepter la succession au trône de Suède après le duc de Sudermanie, qui n’avait pas d’héritier naturel. Ce projet conservait pour le moment. la couronne dans la famille du roi détrôné ; on espérait de plus que l’avènement du prince Christian terminerait les guerres avec le Danemark et avec la France, son alliée ; on comptait obtenir enfin par la médiation du prince la cession de la Norvège en dédommagement de la Poméranie. Le jeune fils de Gustave, âgé alors de onze ans, était écarté, afin d’éviter les nouveaux périls d’une minorité, dont la vieillesse du duc de Sudermanie rendait l’éventualité prochaine. Comme les dispositions étaient les mêmes dans toute l’armée suédoise, des correspondances furent bientôt organisées entre les différens corps dispersés dans les provinces, et là où les officiers supérieurs,