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pressant, il semblait presque ému ; il protestait de son zèle pour les intérêts du roi de Suède, il prenait les mains de Stedingk, l’accablait d’amitiés. « Le roi nous a donné, aux miens et à moi, bien des sujets de chagrin, disait-il, mais je n’y veux plus penser : nous autres souverains, nous ne pouvons pas suivre les mouvemens de nos cœurs ; il faut bien obéir à la raison d’état… »

L’arrivée du grand-duc Constantin interrompit ces dernières confidences ; mais, au lieu de mettre fin aux perplexités de Stedingk, elle ne faisait que hâter le moment décisif. Sur l’ordre de son père, le jeune prince donna lecture du curieux document que voici :


Plan dressé par sa majesté impériale en vue d’étouffer avec une armée russe toute révolte qui surviendrait en Finlande contre le gouvernement de sa majesté suédoise.

« Sa majesté propose les mesures suivantes à prendre aussitôt que la nouvelle d’un pareil mouvement arriverait : entrer en Finlande par trois points, par la grande route qui traverse Abborfors, par la route qui va par Memel à Helsingfors, par celle qui conduit par Mendouhari à Tavastehus ; s’emparer de quelques positions importantes ; laisser à droite, vers Neickler, un corps d’observation. Sa majesté désire que le ministre de Suède, baron Stedingk, accompagne l’armée, afin que sa majesté suédoise ait une garantie de notre loyauté. Sa majesté impériale occupera les positions que l’armée aura choisies jusqu’à ce que les troupes suédoises viennent relever les siennes, qui se retireront alors.

« Fait à Sainr-Pétersbourg, le 3 mars 1800.

« PAUL. »


La lecture achevée dans le plus profond silence, le tsar signa ce papier, puis présenta la plume à Stedingk. Après une hésitation visible et sur les instances réitérées de son interlocuteur, le baron accepta et mit au bas ces lignes :


« Reconnaissant dans toute son étendue la magnanimité de l’offre que sa majesté impériale a daigné me faire pour le roi mon maître afin de sauvegarder la sécurité de la Finlande » je déclare, au nom du roi, que j’approuve le plan qui m’a été communiqué par sa majesté impériale, et je concourrai à son exécution complète, dans le cas où une insurrection survenue en Finlande menacerait dans cette province l’autorité de sa majesté le roi de Suède.

« Fait à Saint-Pétersbourg, le 3 mars 1800.

« Baron STEDINGK. »


Ce n’était pas tout, et le malheureux ambassadeur n’en avait pas fini avec son redoutable protecteur. Paul, quelques jours après, l’invita à toucher au nom du roi de Suède, sous la dénomination de premier subside, une somme importante à titre de fonds secrets