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Ce n’est pas la découverte des nouveaux gîtes aurifères qui a conduit la Hollande à la démonétisation de l’or. Lorsqu’on 1836 la première idée en fut exprimée par le gouvernement de ce pays, le rapport légal établi entre les deux métaux précieux, étant trop favorable à l’or, avait fait exporter toute la monnaie d’argent. Il ne restait qu’un rebut composé de pièces usées, déformées ou rognées ; il y avait nécessité de réformer un tel état de choses. À cette époque, la production de l’argent était beaucoup plus abondante que celle de l’or, et l’expérience avait appris qu’à cause de cette rareté les crises monétaires étaient plus fréquentes dans les pays dont ce métal forme la monnaie ; cela devait être sensible, surtout pour un pays aussi petit que la Hollande. On songea donc à changer le rapport légal de l’or et de l’argent, et à le combiner de manière à empêcher pour l’avenir l’exportation de l’argent. Une loi de 1839 ordonna en effet la refonte de la monnaie d’argent et l’établissement entre les deux métaux d’un rapport légal favorable à l’argent.

Les choses étaient en cet état lorsque la disette des années 1846 et 1847 détermina une énorme importation de céréales en Angleterre, et par suite la crise monétaire, qui porta particulièrement sur l’or. Frappé de cette coïncidence remarquable, le gouvernement hollandais adopta à l’égard de l’or un parti plus absolu qu’il ne l’avait fait en 1839 ; il en proposa la démonétisation, qui fut adoptée par une loi du 26 novembre 1847. Il est certain qu’à une époque où les dépôts aurifères de la Californie et de l’Australie étaient encore inconnus ou inexploités, cette résolution avait pour elle la raison et l’expérience ; mais la facilité avec laquelle l’Angleterre et la France ont traversé la période de rareté des céréales de 1853 et 1854, grâce à l’abondance de la monnaie d’or, montre que désormais la monnaie d’argent a perdu la seule supériorité qu’elle eût.

L’exemple de la Hollande, on le voit, est sans autorité dans la question actuelle. Si cette nation éclairée a donné la préférence à la monnaie d’argent, ce n’est pas par crainte de la dépréciation de l’or, que personne ne pouvait prévoir en 1839 et en 1847 : c’est pour remédier à des désordres réels et pour prévenir des dangers que des circonstances récentes avaient signalés. Il est vrai que la démonétisation, qui ne devait avoir lieu qu’à la fin de 1850, a été hâtée de quelques mois par une loi de 1849, rendue sous l’influence de la production croissante de l’or : c’eût été une négligence blâmable que d’agir autrement. L’opération une fois votée, il fallait profiter de la prime de l’or pour la réaliser plus facilement, ou au moins ne pas s’exposer à payer une prime sur l’argent qu’on devait acheter. On a beaucoup approché de ce résultat.

Pour la Belgique, il en est autrement ; elle a démonétisé l’or pour