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commentateur qu’il n’avait été fait mention de lui que par ménagement pour Alexandre[1].

A Stockholm, M. Désaugiers tint le même langage et alla plus loin encore, tant l’article en question lui paraissait clair et sans voile. «...Un député de la bourgeoisie à la prochaine diète, M. Vestin, est venu, écrit-il dans sa dépêche du 6 juillet, m’entretenir de cette affaire et me questionner.... Je lui ai montré les résultats heureux d’une telle réunion, qui arracherait la Suède à l’influence funeste de la Russie, et son commerce à celle de l’Angleterre. Votre pays, lui ai-je dit, est aujourd’hui à la merci des Russes; il n’est pas impossible que la bonne intelligence vienne à cesser entre eux et nous ; si alors vous n’êtes pas plus forts qu’à présent, c’en est fait de la Suède; quarante mille Russes suffiront à la conquérir, tandis qu’avec la réunion vous aurez facilement cent mille hommes à leur opposer. Si l’empereur est forcé de les combattre, il sera vainqueur, et la paix qu’il dictera vous rendra la Finlande, si vous ne l’avez pas déjà reconquise... Qui sait même si Pétersbourg ne dépendra pas un jour du royaume de Scandinavie? Pour ce qui est du commerce, la réunion Scandinave permettrait de clore la Baltique. Alors la guerre la plus active avec l’Angleterre ne gênerait plus qu’en partie votre navigation, mais pas du tout votre commerce, la Baltique et tout le continent vous restant ouverts. Faites donc taire les préjugés. Vous ne trouverez pas d’objection raisonnable contre le grand projet de former un royaume de Scandinavie. Je le nomme ainsi parce qu’il ne s’agit pas, cette fois, de mettre un roi de Danemark et de Norvège sur le trône de Suède, mais de supprimer pour toujours ces dénominations de Suédois, Danois et Norvégiens, qui entretiennent parmi vous les haines et les divisions, et de former une grande puissance de trois peuples qui parlent la même langue et ont les mêmes intérêts. »

De son côté, le ministre de Suède à Paris, M. de Lagerbielke, avait transmis à son gouvernement ces paroles, que lui avait dites Napoléon en recevant de ses mains la lettre de Charles XIII : «Prenez garde; le colosse russe menace de vous renverser. D’un côté, je le vois déjà sur les rives de la Baltique; de l’autre, il regarde avec des yeux de convoitise le Danube. C’est une affaire très sérieuse. Vous êtes sans force. Peut-être pourrez-vous vous défendre actuellement; mais à la longue cela ne suffira pas. Il faut vous rapprocher du Danemark. Le moment est venu. Je désire que vous y réfléchissiez; il n’y a pas d’autre moyen pour vous faire respecter de la Russie. Moi je suis trop éloigné de vous. Oubliez toute vaine jalousie, et tout

  1. Dépêches de Stedingk, ministre de Suède à Saint-Pétersbourg.