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les armes et qu’il appela vainement à son secours. La comtesse Piper, sa sœur, la malicieuse comtesse, avait eu le temps de se sauver sur une embarcation; la foule perdit son temps à la chercher. La reine ne fut pas à l’abri des insultes. Stockholm tout entière fut pendant quelques jours sous la menace du pillage et de l’incendie... Que signifie aux yeux de l’historien tout ce désordre? Les récens mémoires publiés à Stockholm affirment qu’il était commandé par les hommes de 1809 en vue de l’élection prochaine d’un nouveau prince royal, et pour éloigner en l’effrayant le parti aristocratique. Quoi! Et les meurtres aussi? Évidemment non. Il arrivait ici ce qui arrive toujours en temps de désordre et de révolution; un parti modéré était dépassé par un parti violent dont il avait cru pouvoir se servir et contenir l’essor. Il est bien clair qu’on voyait poindre ici la démagogie effrénée, Il y a encore aujourd’hui sur cette journée du 20 juin, comme sur le genre de mort du prince royal, des incertitudes et des ténèbres qu’il n’est pas possible d’écarter complètement. Ce qui est sûr, c’est qu’après la mort du prince les accusations populaires avaient été à peu près exclusivement dirigées contre les hommes qu’on croyait devoir être les agens des influences étrangères, et, après avoir lu attentivement les nombreux documens suédois qui nous restent de cette époque, il est permis d’affirmer tout au moins que l’opinion publique avait vu dans cet événement le résultat d’un complot en partie danois, en partie russe, exécuté par les Fersen et les chefs de l’aristocratie, complices des intrigues étrangères.

Russie et Danemark, on l’a dit, ne pouvaient accueillir l’élection d’un prince dont les opinions libérales très connues étaient d’accord avec les nouvelles institutions sorties de la révolution de 1809, que ces deux puissances avaient ouvertement blâmée. Le Danemark en particulier redoutait la séparation de la Norvège. Alexandre s’intéressait naturellement au fils de Gustave IV, son neveu, et la conquête de la Finlande, en rapprochant ses frontières de celles de la Suède, lui avait rendu plus suspect encore le voisinage d’un gouvernement constitutionnel. On sait comment, dans les momens d’anxiété publique, les moindres circonstances, les analogies fortuites, les probabilités, les apparences prennent tout à coup un relief inattendu, sont recueillies et interprétées. Les chefs du parti aristocratique, les Fersen, les La Gardie, etc., avaient, cela est certain, d’incessantes relations avec la Russie; Armfelt, l’Alcibiade suédois, comme on l’a justement nommé, qui finit par prêter serment à Alexandre et devint Russe à la fin de sa vie, Armfelt fit à l’époque même où nous sommes arrivés un voyage à Saint-Pétersbourg pour engager Alexandre à rétablir la famille de Vasa, par les anues s’il le fallait.