Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/1228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conditionnel que dans les cas où l’administration du premier est réellement douteuse. La seule excuse qu’auraient pu invoquer les inventeurs de cette manifestation hostile aux protestans, c’étaient les témoignages de malveillance que ces mêmes protestans ménageaient si peu à la minorité catholique, de concert avec les musulmans, les Grecs, les Juifs et les Arméniens schismatiques, très nombreux aujourd’hui à Jérusalem.

Toutes les sympathies des protestans de Syrie sont, il faut bien le dire, pour les Juifs. Je dois avouer aussi que les Juifs à Jérusalem sont entourés d’un certain prestige poétique. Il est un jour de la semaine surtout, il est une heure où l’intérêt se porte volontiers sur cette race étrange. C’est l’heure de midi de chaque vendredi. Alors on voit les Juifs se rassembler en dehors des murailles extérieures de leur temple transformé en mosquée, sur un point où les anciennes pierres sont encore debout : là ils pleurent, ils se lamentent, conformément aux paroles du prophète, sur leurs péchés et leur chute. Il me prit envie d’écouter une fois ces lamentations hebdomadaires, et je me retirai profondément émue. Il y a dans cette coutume un sentiment vrai et touchant. Depuis la prise de Jérusalem par Titus, les lamentations des Juifs se renouvellent chaque vendredi sur les débris sacrés. Semble-t-il à ces éternels proscrits que la vieille patrie réponde une fois par semaine à l’appel de leurs voix plaintives? Je ne sais; mais ce culte de l’ancien Israël est assez fort pour entraîner chaque année vers Jérusalem des bandes d’émigrans Israélites du sein des plus rians villages de l’Allemagne. Ces étranges colons peuplent presque exclusivement les villes de Safed et de Tibériade. Ils ne viennent pas cultiver la terre, ils ne viennent pas échanger les marchandises d’Europe contre les produits d’une contrée lointaine : non, ils viennent demander un tombeau à la terre qui recouvre les ossemens de leurs aïeux; ils sont convaincus que s’ils meurent dans l’enceinte de certaines villes de Palestine, ils n’ont rien à craindre des tourmens de la vie future. Tous les Juifs d’Orient ne sont malheureusement pas des colons de Safed et de Tibériade; mais comment les chrétiens ne se montreraient-ils pas pour ces derniers bienveillans et miséricordieux ?

Au moment de mon séjour à Jérusalem, le consulat d’Angleterre témoignait aux Juifs de Palestine une très vive sympathie. Le consul était un digne gentleman, d’humeur bienveillante. Quant à sa femme, personne d’ailleurs très-distinguée, elle n’avait pas tout à fait un caractère aussi pacifique. Quoique toute jeune, elle était profondément versée dans les langues et les littératures orientales. Fille d’un des principaux agens de l’Angleterre dans l’extrême Orient, elle avait apporté à Jérusalem des habitudes d’activité politique qui