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Pour nous autres chrétiens surtout, qui sommes condamnés à ne voir le temple (aujourd’hui la mosquée d’Omar) que du toit d’une caserne turque, c’est un véritable bonheur que ce belvédère. Les érudits affirment que tout ce qui existe maintenant là où Salomon avait élevé son merveilleux édifice est de construction musulmane, et je m’abstiendrai, suivant ma prudente coutume, de me mêler à une discussion de ce genre. Je puis dire pourtant que la mosquée d’Omar ne ressemble à aucune des nombreuses mosquées qui couvrent l’Asie. Les mosquées sont précédées d’ordinaire par une cour entourée de hautes murailles, plantée d’arbres et rafraîchie par une fontaine. La mosquée d’Omar est située au centre d’un immense espace vide, dont la forme carrée est déterminée par des fractions de portiques placées de distance en distance. Les mosquées sont formées généralement d’un assemblage de constructions diverses, telles que tombeaux, cellules pour loger les derviches, faquirs ou santons; d’une salle pour la danse des derviches, etc., sans compter l’espace ouvert à tous les fidèles musulmans qui vont y faire leurs prières. J’ignore la disposition intérieure de la mosquée d’Omar; on peut y avoir pratiqué autant d’appartemens qu’il y a de jours dans l’année, mais rien à l’extérieur ne révèle cet arrangement, qui est d’une parfaite évidence dans toutes les autres mosquées. J’ouvre maintenant la Bible, et au chapitre sur la construction du temple de Salomon je retrouve le grand espace vide, le portique et la colonnade à l’entour, enfin tout ce qui rend la mosquée d’Omar si différente des autres. Pour moi, puisqu’après tout les opinions sur le temple de Salomon et sur la mosquée d’Omar sont libres, je préfère penser qu’il reste quelque chose du premier dans la seconde.

Le salut du monde, à en croire les musulmans, est attaché à la stricte exécution de la règle qui écarte les infidèles de la mosquée d’Omar, et j’ai failli m’attirer une mauvaise affaire, parce qu’apercevant, sous une voûte aboutissant à cette mosquée, des fenêtres à ogives qui me rappelaient la vieille et chère Europe, j’avais fait quelques pas pour mieux les examiner. J’étais encore sous la première arcade, et je m’y étais arrêtée pour regarder mes ogives, lorsqu’un géant fluet, presque noir et presque nu, accosta non pas moi, mais les hommes qui se trouvaient près de moi, avec une violence de gestes et d’intonations qui rendait son baragouin trop intelligible. Il était évident qu’il nous menaçait de tout son courroux, si nous ne consentions à nous retirer sur-le-champ. Mon aversion pour ce que nous autres Italiens nous appelons prepotenza me donnait une furieuse envie de marcher droit devant moi; mais un excellent petit vieillard, qui s’était constitué ce jour-là mon cicérone, se montra si alarmé, si désolé, il parla à l’Arabe si vite et si longuement, que je crus devoir