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bonne heure sont sûrs d’une excellente pêche; mais depuis 1819 deux cent dix ont été brisés en tentant ce passage redouté.

Il est bien difficile de jeter quelque ordre dans le récit des nombreuses expéditions qui furent envoyées à la découverte de Franklin. Il vaut peut-être mieux, pour éviter la confusion, rendre compte d’abord de celles qui ont pu obtenir quelques nouvelles de l’infortuné navigateur, et revenir ensuite sur celles qui, tout en échouant dans l’entreprise principale qui leur était confiée, réussirent à ajouter des résultats nouveaux à la géographie arctique.

Ce fut au mois d’août 1850 que le capitaine Ommaney, et quelques jours après le capitaine Penny, trouvèrent les premières traces de l’expédition de Franklin, dans l’île Beechy, à l’entrée du canal de Wellington; ils découvrirent un poteau indicateur destiné à montrer le chemin des navires, des restes de cordes et d’habits, plusieurs centaines de caisses à provisions en ferblanc, et les tombes de trois hommes de l’équipage. Les inscriptions placées sur ces tombes apprenaient que Franklin avait hiverné dans cette île pendant l’hiver de 1845 à 1846. On adopta généralement l’opinion qu’il s’était engagé ensuite dans le canal de Wellington pour arriver jusqu’à la mer polaire et redescendre de là vers le détroit de Behring. Presque tous les efforts furent obstinément dirigés vers le nord et vers l’ouest de l’île Beechy. Par une malheureuse fatalité, on s’écarta ainsi complètement de la bonne voie : c’était au sud qu’il fallait aller. On persista à croire qu’après cinq ou six ans passés dans les glaces arctiques, Franklin se serait encore obstiné à chercher la mer polaire ou le passage du Nord plutôt que de revenir vers les parages plus fréquentés du détroit de Lancastre, ou de descendre le canal du Prince-Régent jusque dans les eaux de la baie d’Hudson. L’erreur a été reconnue depuis que, dans son exploration de la côte occidentale de Boothia, le docteur Rae recueillit d’une tribu d’Esquimaux le récit suivant. — Dans le printemps de 1850, des Esquimaux aperçurent une troupe de soixante hommes blancs qui voyageaient lentement avec un canot le long de la côte de la Terre du roi Guillaume, au sud de Boothia. (Pour y arriver, il faut descendre jusqu’à une très grande profondeur le canal du Prince-Régent.) Les hommes blancs étaient tous fort amaigris; ils firent comprendre par signes aux Esquimaux que leurs vaisseaux avaient été détruits par les glaces, et qu’ils s’occupaient à chasser. Plus tard, on n’en trouva plus que trente, et tous ils étaient morts. Quelques-uns, sans doute les premières victimes, étaient enterrés, les autres étaient couchés sous des tentes ou sous le bateau renversé, quelques-uns isolément. Parmi eux était un officier de haute taille, avec une lunette et une carabine près de lui. L’état de ces corps montrait que les infortunés avaient été réduits à l’horrible