Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/1192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vota une récompense de 5,000 livres, et le roi le nomma baronnet[1].

Ce fut pendant la deuxième année de son séjour dans la zone glaciale que Ross envoya une expédition pour déterminer la position du pôle magnétique de la terre, c’est-à-dire le point où l’aiguille d’inclinaison se tient complètement verticale. Tout le monde sait que l’aiguille qu’on nomme de déclinaison, et qui n’est autre que celle qu’on voit dans toutes les boussoles ordinaires, ne marque pas exactement le nord et fait avec sa direction un angle soumis à des variations séculaires et périodiques. A Paris, par exemple, M. Arago avait trouvé pour cet angle la valeur extrême de 22 degrés 1/2 vers l’ouest en 1816, et dès 1853, M. Laugier n’observait plus que 20° 17’. Ce n’est pas non plus au pôle de la terre que l’aiguille d’inclinaison magnétique se tient verticale; ce point se déplace aussi d’un siècle à l’autre. En 1831, James Ross, le neveu de John Ross, le même qui plus tard devait faire de si brillantes découvertes dans la zone antarctique, planta le pavillon anglais sur le pôle magnétique qu’il crut trouver à la latitude de 70° 17’ nord et à la longitude de 96° 46’ 44" (méridien de Greenwich), mais il ne paraît pas que cette détermination ait pu être faite avec l’exactitude nécessaire.

Aussitôt après la première expédition de sir John Ross, le lieutenant Parry partit à son tour en 1819 pour les mers polaires, et son voyage s’opéra dans les circonstances les plus favorables. Il arriva très tôt devant le détroit de Lancastre, et s’assura que les montagnes que Ross avait cru voir n’existaient point; il parcourut rapidement le long détroit auquel il donna le nom de Barrow, alors secrétaire de l’amirauté, découvrit le premier et nomma le canal de Wellington, le canal du Prince-Régent, les îles Cornwallis, Byara Martin, Melville, dont le groupe est maintenant, et avec justice, connu sous le nom d’archipel Parry. Il poussa encore plus loin du côté de l’ouest, et aperçut les côtes du pays de Banks, qui forment les lignes extrêmes du grand labyrinthe polaire. Il traça ainsi, en quelques mois, à larges traits la topographie générale de ces contrées, jusqu’alors complètement inconnues; il visita le premier ces quatre grandes avenues qui forment comme une immense croix, — le détroit de Lancastre, le passage de Barrow, le canal de Wellington et celui du Prince-Régent. Presque toutes les expéditions arctiques qui suivirent la sienne n’eurent pas d’autre théâtre, et l’on ne put qu’étudier avec plus de détail les diverses parties de cette vaste région. Hasard des entreprises humaines ! dans ce voyage si court et si constamment heureux, Parry recueillit plus de résultats que n’en obtinrent tous ceux qui le suivirent, année par année, pendant trente ans, dans les zones

  1. Ce titre fut depuis donné à presque tous les commandans des expéditions arctiques.