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perplexités de la traversée avaient bien refroidi le zèle des nouveaux colons, qui se décidèrent à retourner en Angleterre avec leur butin. On ne dit pas ce qui fut fait de cette terre cherchée si loin et obtenue au prix de tant de périls. Les erreurs et les mécomptes de la folie humaine s’oublient rapidement. L’histoire n’enregistre que les succès de l’audace, les hasards heureux, et l’homme est toujours prêt à se laisser tromper par de nouvelles illusions et à se précipiter dans de nouvelles aventures.

Les Hollandais, qui à cette époque étaient encore les rivaux de l’Angleterre, poursuivaient avec non moins d’ardeur la découverte d’un passage pour arriver aux Indes. Deux fois dans le XVIe siècle ils cherchèrent à le trouver par le nord-est, entre la Nouvelle-Zemble et la Russie. En 1596, William Barentz hiverna dans le nord de la Nouvelle-Zemble, et l’un des souvenirs de son séjour dans cette île mérite d’être recueilli. Dès le commencement de l’hiver, les glaces de la côte furent peu à peu détachées et finirent par être entraînées au loin vers le nord. Le rivage, au grand étonnement du navigateur hollandais, demeura presque entièrement libre pendant toute la saison. C’est le gulfstream qui, pénétrant pendant l’hiver à une distance plus grande, venait ainsi balayer la mer jusqu’à ces latitudes élevées. Ce ne fut qu’après six ans de souffrances inouies et de tentatives infructueuses que Barentz et son équipage finirent par se sauver sur deux petits bateaux et par aborder à Arkhangel.

Hendrich Hudson fut bientôt envoyé par une compagnie de marchands anglais à la découverte du passage du Nord. Il réussit à suivre les côtes orientales du Groenland jusqu’au 82e degré de latitude, et fut obligé de revenir du côté du Spitzberg. Après une seconde tentative inutile, il se mit au service de la compagnie hollandaise des Indes orientales; il essaya de dépasser la Nouvelle-Zemble, mais les glaces l’obligèrent à se tourner vers l’ouest, du côté du Groenland et de Terre-Neuve. C’est dans ce fameux voyage qu’il découvrit le Cap-Cod, la baie de Delaware et le fleuve d’Hudson. Il revint en Europe, où il dépeignit sous les couleurs les plus enthousiastes les magnifiques contrées qu’il avait explorées; mais ce résultat n’était pas celui que la compagnie hollandaise avait attendu, et nous voyons dès 1610 Hudson s’engager de nouveau au service de l’Angleterre pour rechercher le passage vers l’Océan-Pacifique. C’est pendant ce voyage à jamais mémorable qu’Hudson entra dans le détroit et dans la baie qui portent son nom, et où Cabot seul l’avait précédé. Comme lui, il se crut enfin sur une mer ouverte; mais il vit bientôt qu’elle était fermée de toutes parts, et il parcourut en vain dans toutes les directions ces rivages qui l’arrêtaient. Aucun obstacle ne put décourager son courage et sa patience. Bien que rien ne fût préparé