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………….. Usque ego postera
Crescam laude recens………….


Les siècles à venir l’apprendront; mais en attendant une chose me frappe: c’est que toutes les époques ont eu leurs barbares, qu’ils s’appellent Pasteurs ou Vandales, Huns ou Mandchous, et que l’avilissement du caractère, le relâchement du lien moral, les factions, l’anarchie, les luttes intestines ont constamment ouvert leurs portes à la force brutale.

Je ne dirai rien des monumens du nouvel empire : ils sont déjà connus depuis longtemps, et quoiqu’une étude plus attentive nous ait appris à mieux discerner les caractères propres aux diverses époques, on n’a point cependant à signaler des révolutions aussi profondes que celles dont nous venons de parler. A partir de Toutmès Ier, sous la dix-huitième dynastie et sous la dynastie de Saïs, l’art prit un nouvel essor. Tandis qu’avec les Saïtes reparaît la simplicité des œuvres primitives, sous la dix-huitième dynastie les types religieux sont traités avec cette manière large qui leur donne un air conventionnel par lequel se trahit le symbole. Les muscles, soigneusement accusés dans les ouvrages qui datent des anciens pharaons, ne sont plus, sous le nouvel empire, indiqués que par quelques lignes, de telle façon que les figures semblent simplement esquissées. Lorsqu’elles sont colossales, ces esquisses, taillées en granité d’une main vigoureuse, n’en excitent pas moins notre admiration, tandis que dans les figurines l’absence du modelé ne produit que des compositions grossières.

L’art égyptien s’étant surtout exercé sur des monumens religieux, la connaissance de ces œuvres a fait pénétrer davantage dans celle des divinités et du culte qui leur était rendu. Nous possédions déjà sans doute des notions assez étendues sur la religion égyptienne, mais elles étaient entachées d’une foule d’inexactitudes. Les Grecs, qui nous les avaient transmises, s’étaient attachés à identifier leurs dieux et leurs héros avec les divinités de l’Egypte, et ces rapprochemens arbitraires avaient égaré bien des érudits. Champollion lui-même, dans son Panthéon égyptien, n’avait pas su se défendre d’une confiance alors naturelle dans les témoignages helléniques. Il arriva pour le culte ce qui était aussi arrivé pour l’étude de la langue. On commença par les bas temps, et on apprit à connaître la religion égyptienne par des notions empruntées à une époque où l’influence grecque l’avait déjà quelque peu transformée. Alexandrie et la cour des Ptolémées étaient surtout le théâtre de ce mouvement syncrétique qui rapprochait la théogonie pharaonique du polythéisme grec systématisé par les philosophes. C’est à Alexandrie que finit par se transporter le siège principal du culte de Sérapis, divinité dont le nom joua un si grand rôle dans les derniers temps du paganisme. La découverte de M. Mariette est venue enfin nous révéler la véritable nature de ce dieu, dont on ne comprenait pas bien l’origine, et dont on ne s’expliquait pas la vogue. Sérapis, ou mieux Sorapis, Osorapis, était Apis mort, identifié avec Osiris ou le soleil. Son culte demeura longtemps propre à Memphis, car on sait que chaque grande ville et chaque nome ou province avait son animal sacré. Les inscriptions de quelques tombeaux voisins des