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de découvertes inattendues soient venues éclairer ces obscurités lointaines. Les rois thébains, dont les noms commencent à reparaître dès la dix-septième dynastie, sortent de la Haute-Egypte et de l’Éthiopie, et repoussent graduellement les pasteurs. La tradition de ce retour des rois indigènes sur le sol dont ils avaient été chassés se présenta à l’esprit des générations postérieures, et en particulier des Grecs, comme une descente de la civilisation égyptienne dans la vallée de la Basse-Egypte. Les Hellènes, qui n’avaient aucune idée du premier empire égyptien, crurent que les Éthiopiens étaient venus civiliser l’Egypte et s’étaient répandus de là en Asie. Telle est l’explication ingénieuse que M. Lepsius donne dans ses Lettres d’une tradition qui égara bien des érudits, et fut le point de départ des hypothèses les plus hasardées. C’est avec Amosis ou Ahmès que commence la dix-huitième dynastie. Eusèbe et l’Africain, qui en donnent la liste d’après Manéthon, y ont introduit les synchronismes les plus arbitraires pour mettre d’accord les traditions juives et grecques avec la chronologie égyptienne. Ils font vivre Moïse, l’un sous Amosis, et l’autre sous Achenchérès, tandis que tout donne aujourd’hui à penser que la sortie d’Egypte s’est opérée sous Aménophis, de la dix-neuvième. L’Africain rapporte au règne d’un de ces pharaons le déluge de Deucalion, et Eusèbe en identifie un autre avec Danaüs, dont l’origine égyptienne est encore plus problématique que l’existence. Ce sont là des rapprochemens de fantaisie qui ne sauraient du reste nous égarer, maintenant qu’il est surabondamment établi que le berceau de la civilisation grecque n’a rien à faire avec l’Egypte. Cet Aménophis, dont le nom vient d’être prononcé, est le fils du grand Rhamsès, Ramsé ou Ramessou II, Maïamoun, qui avait lui-même succédé à Séti Ier (Sethos), avec lequel on l’a souvent confondu. Séti Ier est le chef de la dix-neuvième dynastie. C’est surtout à M. de Rougé que l’on doit d’avoir débrouillé les points les plus difficiles de la chronologie de cette époque. Là aussi se sont exercés le savoir et la sagacité de M. Samuel Birch, qui est en Angleterre à la tête des études égyptiennes, de M. Prisse, voyageur intrépide et intelligent, qui appartient à cette génération d’égyptologues et d’explorateurs savans, dont un des plus célèbres a consigné ici même le récit de ses recherches. Nous voulons parler de M. Ampère, qui s’est occupé avec succès des études hiéroglyphiques, mais que l’ardeur des voyages et la passion des lettres ont ramené sur un terrain moins aride que le sable du désert. La série de ses travaux sur l’Egypte[1] peut servir de nœud entre nos indications sur l’état actuel des études égyptiennes et les autres écrits destinés, dans ce recueil, à faire comprendre les fondemens du système de Champollion[2].

L’époque où domina la dix-huitième dynastie est remplie tout entière par des guerres, des expédiions en Asie. Une inscription du Louvre, lue par M. de Rougé, montre que Toutmès Ier s’était déjà avancé jusqu’en Mésopotamie. Toutmès III y établit sa domination d’une manière stable, et ses

  1. Voyez la Revue des Deux Mondes du 1er août, 1er septembre, 15 novembre 1846, 1er mars, 1er mai, 15 juillet, 15 décembre 1847, 1er avril, 15 septembre 1848, et ler janvier 1849.
  2. Voyez notamment un travail de M. Lèbre sur les Études égyptiennes en France, Revue du 15 juillet 1842.