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lac dont on faisait aussi honneur à Mœris. En effet, Aménemhès III n’est que le quatrième successeur de Sésourtésen Ier, et l’existence d’un obélisque portant le nom de ce dernier pharaon à Bégig, dans le Fayoum, nous prouve que le sol de cette province était déjà cultivé et habité sous son règne. Or, comme c’était le creusement du lac et l’établissement du canal de dérivation des eaux du Nil qui avaient déterminé le dépôt d’alluvions auquel le Fayoum dut d’être habitable, il faut nécessairement admettre l’existence du lac avant Sésourtésen, et par suite avant Aménemhès. Toutes les probabilités se réunissent pour appuyer la conjecture de M. Bunsen, d’après laquelle le lac aurait été creusé par un pharaon du nom de Papi-Mairé, dont le cartouche s’est retrouvé à Ouadi-Magara, et qui parait avoir appartenu à la sixième dynastie. M. Lepsius tire l’étymologie du nom de Mœris, donné comme auteur du lac, du mot qui désignait en égyptien ce vaste réservoir, dont le creusement remonte, quoi qu’il en soit de la véritable origine de ce nom, à une époque très reculée.

Non-seulement on a retrouvé les monumens de la douzième dynastie, mais la dynastie suivante a pu aussi être établie : c’est celle des Sévékotep, dont les cartouches sont inscrits dans la chambre des rois de Karnak et sur le papyrus de Turin. Longtemps on chercha des traces de cette treizième dynastie, que l’on était tenté de regarder comme fabuleuse, et dont Manéthon n’a constaté que les 453 ans de durée; mais les monumens ont fini par venger le chronologiste égyptien de cette accusation. L’île d’Argo dans l’Ethiopie a montré les statues colossales des monarques de cette époque, et le Louvre possède aujourd’hui plusieurs monumens de leur existence et de leur grandeur, entre lesquels il faut placer la figure en granite rose, haute de près de 3 mètres, du troisième Sévékotep, et une autre du même monarque, moitié moindre en hauteur et de granité gris. C’est à M. de Rougé que revient encore l’honneur d’avoir, par l’interprétation d’une inscription de Semneh, fixé la place de la treizième dynastie, comme il a fixé celle de la onzième par la lecture d’une inscription du musée de Leyde.

Après la treizième dynastie, les monumens font défaut pendant un certain temps. On entre dans cette terrible époque des pasteurs, dont nous venons de parler, et on n’en sort qu’avec la dix-huitième. Cette invasion, il ne faut pas la confondre avec l’établissement des Hébreux en Égypte, qui appartient à une époque postérieure, et que Josèphe et Eusèbe, désireux de donner aux Juifs plus d’importance qu’ils n’en eurent réellement chez les Égyptiens, voulaient représenter comme les destructeurs du premier empire. Selon toute vraisemblance, ces pasteurs sont ceux que les inscriptions mentionnent sous le nom de Chetah, et auxquels on voit jouer un rôle considérable dans les guerres soutenues par les Égyptiens au commencement de la dix-neuvième dynastie. Ils sont très probablement identiques aux Chelim de la Bible, qui constituaient la population primitive de la terre de Chanaan. Dans l’inscription d’Ahmès, ces conquérans sont formellement mentionnés sous le nom égyptien de Mena, qui a le sens de pasteur.

Il règne beaucoup d’Incertitude et de confusion dans l’ordre chronologique des rois de la dix-huitième et de la dix-neuvième dynastie, par lesquelles commence le nouvel empire, et cependant il n’en est point peut-être où plus