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Il faut se contenter de ces conjectures, en attendant que des découvertes ultérieures révèlent quelque chose sur l’origine de l’empire des pharaons. C’est à des cartouches épars que se réduit ce que l’on sait des premiers règnes. Ils servent à combler l’espace de plusieurs siècles, s’étendant des pyramides à la douzième dynastie. La constatation de cette dynastie et la place qu’elle doit occuper dans la chronologie égyptienne est une des plus belles découvertes qui aient été faites par les disciples de Champollion. Je dis disciples, parce que c’est le développement des principes posés par ce grand maître qui a permis de rectifier les erreurs inévitablement attachées aux premiers essais. Champollion n’avait pas tout vu, et si, sous prétexte de respecter ses idées, on s’en tenait, faute d’invention, au contenu de ses papiers, loin de continuer son école, on en fermerait définitivement les portes. C’est l’étude comparée de la table d’Abydos et de la chambre de Karnak qui a mis M. Lepsius sur la voie de cette dynastie que Champollion n’avait pas su classer. Une lacune de quinze siècles et de six dynasties s’est révélée à l’égyptologue allemand, et, depuis sa découverte, M. de Rougé a mis en pleine lumière ce fait chronologique important; il a fourni de nouvelles preuves qui confirment ce que M. Lepsius avait d’abord laissé à l’état d’assertion. Je dois dire cependant que M. Hincks fait valoir sur cette découverte un droit de priorité qui est peut-être fondé. La dynastie en question est celle des Sésourtésen, et l’un d’eux, troisième du nom, s’était acquis par ses conquêtes une telle réputation, qu’il a pu être appelé le premier Sésostris, et confondu dans les siècles postérieurs avec Rhamsès le Grand. C’est à ce Sésourtésen III, honoré plus tard comme un dieu, que fut consacré le temple de Semneh. A côté de ces Sésourtésen, on lit sur la table d’Abydos et sur celle de Karnak le nom répété d’Aménemhès, porté par plusieurs souverains de la même dynastie, et dont les règnes partagent avec ceux des Sésourtésen la gloire de cette époque.

C’est le premier des Sésourtésen qui fonda ou termina dans Héliopolis un temple dont l’importance peut se juger 4 la grandeur de l’obélisque encore subsistant sur l’emplacement de cette ville. On pouvait espérer que le sol de la cité célèbre du soleil recelait une foule de débris de la grandeur de ces premiers âges : des fouilles ont été faites récemment; mais l’attente a été trompée, et s’il faut en croire certains bruits, la base de l’obélisque mis à découvert a révélé une réédification assez moderne du vieux monolithe. Ce sol d’alluvion n’a-t-il donc rien conservé, et l’antiquaire doit-il réserver pour le sable toute sa reconnaissance? Sous les Aménemhès, la domination égyptienne s’étend sur la Libye, la presqu’île du Sinaï et la Nubie entière. C’est peut-être aussi à cette même dynastie qu’appartient un roi bien célèbre, dont les Grecs nous ont conservé le nom, Mœris, appelé par Eratosthène Marès, et qu’Eusèbe, qui copie tant bien que mal Manéthon, appelle Lamaris. Le pharaon auquel les Grecs attribuaient la construction d’un labyrinthe paraît n’être autre qu’Aménemhès III, dont le prénom était Ra-en-ma, soleil de justice, ou Maure. Par ce mot labyrinthe, il faut entendre la pyramide et le palais dont on voit encore les restes dans le Fayoum, et c’est là qu’on trouve précisément répété le cartouche d’Aménemhès III. Toutefois, malgré ce que nous ont dit les Grecs, il ne semble pas qu’on doive attribuer à ce pharaon le