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s’exposer à des mécomptes certains que de faire honneur à l’encellulement des résultats du patronage.

M. Bérenger a trouvé dans les exemples de l’Angleterre d’autres argumens en faveur de ses prédilections, et il tendrait à transporter chez nous un système mixte qui consisterait à diviser la détention de longue durée en deux périodes, soumises, l’une à l’isolement individuel, l’autre au travail en commun. La durée de la première est fixée à neuf mois, et l’autre embrasse le complément de la peine. On voit combien cette combinaison est éloignée du système cellulaire proprement dit, et combien les effets de la première période sont compromis pendant la seconde, à moins que neuf mois de cellule ne suffisent à faire d’un scélérat un honnête homme. Toutefois il y a dans les prisons de l’Angleterre deux principes d’amendement que ne leur ont point encore empruntés les nôtres : ce sont la lecture assidue de la Bible, puis les coups de nerfs de bœuf ou de verges suivant les âges, — et dans le concours intime des deux procédés il est très difficile de discerner lequel a la part prépondérante dans la moralisation des condamnés. « Ce qu’il y a de certain, dit M. Bérenger, c’est que, dans les divers établissemens que nous avons visités, on nous a assuré qu’il y avait peu d’exemples d’un détenu, soit enfant, soit adulte, qui, après avoir été soumis à ce châtiment (la fustigation), s’y exposât une seconde fois. » Cette observation sur les récidives est tout au moins bonne à noter.

Les exemples cités par M. Bérenger m’ont fait penser à un ami. Dieu veuille avoir son âme! que j’avais il y a une douzaine d’années en Afrique. Il s’appelait Moustapha-ben-el-Kebabti. Muphti maléki d’Alger, il réunissait la double autorité du sacerdoce et de la magistrature; il était en islam ce que serait en pays catholique un évêque qui présiderait une cour de justice : le midjelès et la mosquée le vénéraient également; nul n’interprétait la loi avec autant de sagesse, ne l’appliquait avec plus d’équité. Des circonstances en apparence futiles avaient établi entre nous des rapports de confiance, et j’en profitai pour faire échange avec lui de renseignemens sur les lois et les mœurs de nos deux pays. Malheureusement Moustapha avait depuis longtemps passé l’âge où l’on accepte volontiers des idées nouvelles, et l’ardeur de sa foi musulmane fermait trop souvent son esprit à l’intelligence des plus belles institutions de la chrétienté. C’est ainsi qu’il n’avait jamais pu comprendre, lui magistrat, ce que c’était qu’un avocat : un personnage réputé savoir les affaires des autres mieux qu’eux-mêmes, faisant état de parler de ce qui ne le regarde pas, lui paraissait une excessive singularité. Un jour que je lui détaillais les services éminens rendus par cette noble profession à notre magistrature même, en élucidant des questions trop