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le travail; tout bon régime pénitentiaire doit tendre à le développer, et l’isolement restreint le travail d’une manière fâcheuse. Il exclut en effet toute opération qui exige de l’espace, du mouvement, ou le concours simultané de plusieurs individus, c’est-à-dire les deux tiers des opérations que pratique le plus ordinairement l’industrie : il réduit ainsi les hommes aux occupations des femmes, et n’admet pas dans ce cercle étroit l’émulation, dont l’action bien dirigée est, même dans les lieux de dépravation, un si puissant véhicule du bien. De toutes les exclusions que comporte le régime cellulaire, la plus regrettable est celle des travaux agricoles : ce sont ceux qu’il est le plus désirable de propager et ceux avec lesquels il est le plus inconciliable.

Ces faits semblent tracer les limites dans lesquelles le régime cellulaire produit des effets salutaires que personne n’aurait contestés, si ses apologistes trop zélés n’en avaient pas prématurément proclamé l’universalité. Ce serait tomber dans une erreur inverse, et non moins regrettable, que de le condamner d’une manière absolue, parce qu’il n’a pas produit tout le bien dont on s’était d’abord flatté. Notre pays est de ceux où l’on sait rarement se tenir à distance et de l’engouement et de l’abandon; c’est dans cette région cependant que se trouve ordinairement le vrai, et pour prendre la route qui conduit au bien relatif qu’il est possible d’atteindre dans cet ordre de choses, il faudrait déterminer les circonstances où se produisent les avantages de l’isolement, sans laisser aux inconvéniens assez de temps ou de place pour se développer.

Les partisans du régime cellulaire avouent unanimement que peu de complexions humaines sont en état de supporter longtemps cette peine, et que l’application n’en peut être admise que pour des termes beaucoup plus courts que ceux de l’emprisonnement en commun. Ce fait montre dans quelle mesure le nouveau régime doit être appliqué. Nos maisons d’arrêt et de justice semblent faites pour recueillir les avantages incontestables du régime cellulaire sans mélange de ses dangers. Notre pays compte autant de maisons d’arrêt que de tribunaux de police correctionnelle, et autant de maisons de justice que de cours d’assises. Les premières reçoivent tous les prévenus de crimes ou de délits, tous les condamnés à une courte détention correctionnelle; les secondes, tous les individus qu’un arrêt de mise en accusation place sous la juridiction des cours d’assises. Toute prévention, toute accusation aboutit à une condamnation ou à un acquittement. Tant que le prisonnier court cette double chance, c’est un bienfait pour lui, s’il est innocent, que d’être préservé du contact des criminels qui la courent avec lui; c’en est un plus grand encore, s’il en est à son début dans la carrière du mal, d’être sevré de