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portée des coups de son glaive, et il serait peu séant de l’en blâmer. Les prisons de jeunes détenus sont faites pour être des hôpitaux moraux où les plaies curables de l’âme reçoivent des traitemens sévères, et plus elles approcheront de la perfection, moins les tribunaux hésiteront à les peupler. S’ils y voient des asiles ouverts contre la dépravation dont l’enfance se pénètre dans beaucoup de familles, ils prononceront, avec l’approbation de leurs consciences, des condamnations salutaires dans leurs effets, quoique faiblement motivées, et feront fléchir la rigueur du droit dans l’intérêt de l’humanité. Telle est, il n’est pas permis d’en douter, la cause prédominante de la progression du nombre des jeunes détenus, et la statistique judiciaire, aujourd’hui si perfectionnée, fera connaître plus tard si le pays est dédommagé, par une diminution sensible dans le chiffre des crimes ou délits, des charges que lui coûtent les nouveaux moyens de correction.

Pour les adultes, l’expérience du peu d’efficacité de l’emprisonnement en. commun est depuis longtemps décisive, et il est triste d’avoir à remarquer qu’elle l’est de plus en plus devenue à mesure que le régime intérieur des maisons de détention s’est amélioré. Ces améliorations ont créé parmi nous une population qui préfère par momens la détention à la liberté, trouvant que l’on pourvoit beaucoup mieux à ses besoins dans les prisons qu’elle ne le ferait elle-même au dehors. La détention n’intimide plus ceux qui l’ont subie, et la preuve en est dans la progression du nombre des récidives, bien plus rapide encore que celle des crimes et des délits. Dans la période de 1826 à 1850, les tribunaux ont prononcé des condamnations contre 193,016 relaps, ce qui revient en moyenne à 7,721 par an ; les nombres correspondans ont été en 1851 de 27,000, et en 1852 de 33,025. L’insuffisance de la répression par l’emprisonnement en commun a fait recourir à l’emprisonnement cellulaire.

Ce régime, suffisamment défini par son nom, isole le détenu de tout contact avec ses pareils; il coupe court de la sorte à toutes les influences qu’il pourrait exercer ou subir et aux liaisons criminelles qui sont le prélude des complots; il le livre sans partage à la tristesse de sa situation, aux admonitions de ses gardiens, au travail, au repentir; il se prête enfin à une distribution de remontrances et de consolations appropriées aux caractères variés des prévenus ou des condamnés. On ne peut nier que ces conditions n’excluent la plupart des vices reprochés à l’emprisonnement en commun; mais elles entraînent des difficultés d’application et des conséquences qui, pour être d’un autre ordre, n’en sont pas moins d’une extrême gravité. Aussi le régime cellulaire a-t-il eu des apologistes et des adversaires également ardens et, ce qui est plus rare, également éclairés. Il est en effet peu d’institutions dont il y ait à dire plus de bien et