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canal, en se frayant un passage vers le golfe. On dirait comme une nouvelle rivière provisoire que s’est donnée la Néerlande. Les changemens introduits ainsi dans la configuration du delta par le débordement des fleuves ont dû être considérables. À chaque inondation nouvelle, des terres stériles se sont trouvées fécondées par le limon de la Meuse ou du Rhin, sorte d’engrais voyageur que les eaux traînent après elles, tandis que d’autres parties fertiles de la province se sont au contraire changées en sables. Sur certains points le niveau des terres s’est élevé, sur d’autres il s’est abaissé. Cette action des fleuves est lente, il faut plusieurs déluges successifs pour qu’on puisse même la constater ; mais nous devons toujours nous souvenir que les siècles sont comme de la poussière dans le sablier de la nature. Ces changemens seraient d’ailleurs plus rapides, si la main de l’homme n’était là, toujours présente, pour effacer les traces d’altération, et pour ramener le pays aux conditions artificielles de la culture des terres. Dans les temps anciens, le lit des fleuves étant bien plus incertain que maintenant et l’intervention de l’homme étant moins efficace, les inondations ont dû être plus fréquentes, et les conséquences de ces débordemens beaucoup plus graves. Une grande partie de la Hollande consiste effectivement en terrains d’origine récente, dus principalement à l’action des eaux. Ces terrains, l’époque historique les a vus naître, et ils se forment encore tous les jours sous nos yeux. Une création incessante, et dont les signes sont visibles, ne doit point nous étonner dans un pays où les déluges, qui ailleurs sont de l’histoire ancienne, presque de l’histoire fabuleuse, constituent de l’histoire toute moderne. Des fouilles nombreuses ont prouvé en outre que les terrains dont l’origine se rapporte aux eaux douces alternaient, en Hollande, avec les terrains que déposent les eaux salées. Pour expliquer le mystère de cette nouvelle formation, il est nécessaire de recourir à un autre ordre de phénomènes naturels, qui sont plus ou moins particuliers à la géographie des Pays-Bas.


II.

Nous venons d’indiquer à grands traits l’histoire des inondations fluviales : il existe pour la Hollande un autre ennemi plus terrible encore, la mer. Le Rhin et la Meuse ont plusieurs fois désolé ce pays ; mais, à l’exemple du Nil, ces fleuves débordés fécondent en ravageant. Il n’en est pas ainsi des inondations marines : ces dernières laissent au contraire derrière elles la stérilité, la mort. Nous avons dit que, dans sa lutte avec l’Océan, le Rhin parait avoir été vaincu : les défaites du fleuve peuvent s’évaluer par les empiétemens de la