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moyen de faciliter l’évasion était légitime, même la corruption à prix d’argent des officiers de police, même la violence (sauf le meurtre, M. Smith O’Brien est un modéré). Pour lui, il refusa de tenter encore une fois le sort. « C’est votre tour, dit-il à ses compagnons. Le gouvernement anglais se fatiguera sans doute un jour de me retenir prisonnier, et si j’essayais de m’évader, l’Irlande me serait fermée pour toujours. » Une fois ces résolutions arrêtées, ils songèrent à prendre leurs précautions. La première était de faire une reconnaissance exacte du bureau de police de Bothwell. Pat Smyth s’en chargea, examina le local, prit note de la situation des lieux, du nombre de constables qui se trouvaient ordinairement au bureau de police. « Je pense, dit-il à M. Mitchel après avoir achevé son inspection, que trois ou quatre hommes, une demi-douzaine au plus, armés de revolvers de Colt, pourraient s’emparer du bureau et faire prisonnier le magistrat. C’est un grand homme que M. Colt. » Un bon cheval était aussi chose fort nécessaire, et, pour s’en procurer un, M. Mitchel alla s’adresser, devinez à qui ? Au magistrat de police lui-même, M. Davis. « Cette idée me plut, dit-il, d’acheter le cheval de mon ennemi, pour aider à mon évasion. J’avais ainsi deux avantages, — celui de me donner un nouveau moyen d’action, celui d’affaiblir l’action de mon ennemi. — Je dois vous avertir, monsieur Mitchel, me dit M. Davis, que si vous essayez d’atteler ce cheval, il brisera tout. On ne l’a jamais attelé qu’une fois, et il serait dangereux d’essayer une seconde, » Je lui dis que je connaissais cette particularité. « Il est bon de vous mentionner le fait, dit-il, ne connaissant pas exactement le service que vous voulez en obtenir. — Me porter tout simplement sur son dos partout où j’aurai besoin d’aller, et m’aider bientôt peut-être à faire un grand voyage. — Bien, dit M. Davis, je sais que vous montez beaucoup à cheval, vous pouvez compter sur Donald pour ce service. »

Le complot échoua une ou deux fois. Il fut d’abord convenu qu’un brigantin, le Walerlily, irait d’Hobart-Town à Spring-Bay, situé à soixante-dix milles de Bothwell, et qu’il prendrait les fugitifs à son bord. Le plan fut découvert dans ses moindres détails, et le gouverneur prit ses précautions en conséquence. Pat Smyth fut arrêté quelque temps après. Par suite d’une erreur des officiers de police, il fut pris pour M. Mitchel lui-même et emprisonné à Hobart-Town. Il tomba malade à la suite de sa réclusion forcée. Cet accident amena de nouveaux retards ; mais au mois de juin les exilés apprirent qu’un vaisseau était en partance à Hobart-Town. M. Mitchel se rendit immédiatement à l’office de police de Bothwell pour retirer sa parole. Huit ou dix constables, tous armés, erraient aux alentours. « Monsieur Davis, dit M. Mitchel, voici une copie d’une note que j’ai envoyée au lieutenant-gouverneur. J’ai cru nécessaire de vous donner cette copie.