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tout ce qu’il avait prêché fut conspué, et son glorieux nom ne fut pas à l’abri de l’outrage. Comme il arrive toujours, la réaction dépassa rapidement l’action précédente et créa une nouvelle situation politique. L’Angleterre, qu’O’Connell avait si longtemps harcelée de ses importunités constitutionnelles, fut hardiment défiée et avertie de se tenir sur ses gardes. Elle s’y tint en effet

Ainsi les dernières années d’O’Connell, époque où ses prédilections politiques et ses habitudes de vie et d’esprit devinrent de véritables préjugés, contribuèrent surtout à la formation de ce parti violent. Le vent soufflait du côté de la Jeune-Irlande, et tous les événemens favorisaient sa popularité. En 1846, la famine éclata en Irlande, non pas cette famine permanente qui pendant tant d’années avait rongé et amaigri sourdement ce pays, rognant de jour en jour sa faible pitance et déchirant un peu plus ses guenilles, mais un véritable fléau, quelque chose comme le choléra ou le typhus. C’est alors que l’on vit les paysans irlandais affamés mourir en foule sur les grandes routes et border de leurs cadavres les chemins publics, des mères disputer leur nourriture à leurs enfans, d’autres cacher soigneusement les cadavres de leurs nouveau-nés pour s’en repaître secrètement, des malheureux désespérés se verrouiller dans leurs demeures et mourir solitairement, des familles entières se nourrir de charognes d’ânes ou d’autres animaux. À ces douleurs et à ces misères vint se joindre tout ce qu’elles peuvent engendrer, les délits, les crimes, le vol, le meurtre, et la répression de ces délits et de ces crimes, qui, dernière misère, semblait une nouvelle injustice. Forcée de rétablir l’ordre et de maintenir la sécurité publique au milieu de ces populations affamées, l’Angleterre n’en semblait que plus tyrannique. La Jeune-Irlande avait donc raison ! c’était donc à ce fléau qu’étaient venus aboutir tant de harangues et tant de meetings ! Ce n’était plus le moment de parler du rappel et des institutions irlandaises. Le parti d’O’Connell, guidé par son fils, vit son influence baisser encore ; la Jeune-Irlande devint le seul parti puissant, et la révolution de février 1848 vint bientôt la mettre en demeure de tenter par la force l’exécution de ses plans.

Des clubs furent formés, des armes forgées, des journaux fondés, dont l’un, l’United Irishman, organe de M. Mitchel et de ses amis, afficha ouvertement l’insurrection. Le gouvernement anglais de son côté ne resta pas oisif. Lord Clarendon, alors vice-roi d’Irlande, fit concentrer huit mille hommes de troupes à Dublin, multiplia les espions, soudoya des journalistes, entre autres un certain Birch, rédacteur du Satirist, feuille charivarique irlandaise, et dénonça publiquement par des proclamations et des placards les menées et les projets des chefs révolutionnaires. Il ne s’en tint pas là. L’insurrection