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soit dans les autres carrières ouvertes à leur activité, les résultats gigantesques qui excitent aujourd’hui l’étonnement de l’univers ; mais la population s’est concentrée de préférence sur certains points, sur les côtes de l’Océan Atlantique et dans la vallée du Mississipi. À elles seules, ces deux régions fournissent, plus de 21 millions d’âmes au relevé de 1850.

Le territoire baigné par l’Océan, Atlantic slope, comme disent les Américains, qui fut le berceau de l’indépendance nationale, et qui est resté le point de départ de tous les progrès accomplis, a été le théâtre des premiers chemins de fer. Le plus ancien railway, construit de 1825 à 1827, sur une étendue de 5 kilomètres seulement, appartient au district de Quincy, dans le Massachusetts. En 1829, la Pensylvanie en vit établir un autre d’environ 30 kilomètres pour le service de ses houillères. Ce fut aussi dans les états maritimes que les chemins de fer se développèrent ensuite le plus rapidement. Les projets les plus hardis y furent conçus dès l’origine[1]. Il importe cependant d’établir à ce sujet une distinction entre les états de la région du nord et ceux de la région du midi. Les premiers se lancèrent dans cette nouvelle arène avec infiniment plus d’ardeur et de persévérance que les autres. Si en 1833 la Caroline du sud posséda le plus long railway existant au-delà de l’Atlantique, — celui de Charleston à Auguste, sur les confins de la Géorgie, — cet avantage accidentel ne dura qu’un moment.

En toute circonstance d’ailleurs, la zone septentrionale de l’Union a su prendre l’avance sur la zone méridionale par l’audace de son initiative. Le nord est le foyer de la vie américaine : c’est là qu’est planté, on peut le dire, l’étendard du progrès dans le.Nouveau-Monde. Aucune ville du sud, par exemple, ni Charleston, ni Savannah, ni Nashville, ni Memphis, ni la Nouvelle-Orléans même, malgré les avantages de sa situation, ne rappelle l’expansion rapide des cités de New-York, de Boston, de Philadelphie. Avant l’introduction des railways, les autres voies de communication s’étaient déjà multipliées autour des métropoles du nord infiniment plus que dans les états méridionaux ; mais la différence entre les deux régions a été rendue plus sensible par l’établissement de ces routes en fer qui transforment si vile l’aspect des pays qu’elles parcourent[2]. Tandis que les états du nord sont occupée de ces constructions depuis vingt-cinq ans, ceux du sud ne s’y livrent guère, du moins avec des attentions systématiques, que depuis quatre ou cinq années. En 1850, alors que les dix états du cercle septentrional, — le Maine, le New-Hampshire, le Vermont, le Massachusetts, le Rhode-Island, le New-York, le Connecticut, la Pensylvanie, le New-Jersey et le Delaware, — possédaient 10,986 kilomètres de chemins de fer en exploitation, les dix états du sud, — le Maryland, la Virginie, les deux Carolines, la Géorgie, l’Arkhansas, la Floride, l’Alabama, le Mississipi et la Louisiane, — n’en avaient que 3,715 kilomètres.

Depuis 1850, la plupart de ces derniers, jaloux de regagner le temps perdu, tâchent,

  1. Voyez un écrit très curieux, à cause de sa date, publié en 1828 à New-York par M. Redfield, et intitulé Sketch of a great railway between the Atlantic States and the Valley of the Mississipi.
  2. Voyez Histoire et Description des voies de communication aux États-Unis, par M. Michel Chevalier, 1840-1842, et The Progress of America, by John Mac-Gregor.