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encore revenu de mon étonnement sur ce prodige ? » Il est du devoir de la Revue des Deux Mondes de protester contre l’indifférence publique à l’égard de ce fait merveilleux. Il est des hommes qui ne seraient pas surpris si on leur annonçait une dépêche télégraphique venant de la Lune, de Vénus ou de Jupiter !

Revenant à notre sujet, nous dirons que la cosmogonie de Laplace a clos l’ère des divagations scientifiques relatives à la formation du monde. Il est difficile d’espérer une autre théorie qui explique tant de faits divers et se prête à de si nombreuses exigences. — Mais, dira-t-on, pourquoi remonter si haut dans la série des âges et ne pas partir de la fluidité primitive de la terre, comme l’a fait Buffon (à part sa comète invraisemblable), pour entrer dans la série des époques géologiques et se livrer à des études moins hypothétiques ? — Je répondrai que les études cosmogoniques, bien loin de contrarier les déductions de la géologie, leur prêtent au contraire l’appui de leurs lumières pour écarter bien des opinions erronées.

Les atlas modernes de la géographie physique nous donnent, sur des cartes spéciales, la distribution des plantes, des animaux et des races humaines ; les cartes géologiques s’occupent de fixer, pour les diverses époques qui ont précédé l’âge historiques, la distribution des êtres vivans qui primitivement peuplèrent le globe. On va même chercher avec la sonde au fond des mers les restes des espèces éteintes ou de celles qui ont survécu à la dernière catastrophe. Eh bien ! ne serait-il pas curieux de voir, dans un allas de figures astronomiques, se dérouler la série des transformations qu’a subies la matière chaotique, disséminée d’abord sans forme dans l’espace illimité de l’univers, puis devenant des agglomérations de voies lactées ou nébuleuses formant des amas d’innombrables soleils ? Ensuite autour de chaque soleil naîtrait un cortège de planètes. Plus tard, ces figures nous montreraient chaque planète enfantant les satellites qui sont aux planètes ce que celles-ci sont aux soleils. Alors chaque monde ayant son atmosphère individuelle, et se trouvant 18olé de tout autre corps céleste, les tableaux d’astronomie physique se transformeraient en cartes géologiques, qui, jointes aux atlas récens de géographie physique, comprendraient l’histoire entière de l’univers, telle que l’homme peut ou la savoir, ou l’imaginer.


M. BABINET, de l’Institut.