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car il n’est, je pense, aucune personne ayant dans la science une autorité, si minime qu’elle soit, qui n’ait été poursuivie par les faiseurs de mondes. À chaque contradiction qu’on leur fait remarquer, ils demandent grâce en annonçant que plus tard on trouvera la rectification de l’erreur signalée. Or cette rectification est la plupart du temps une énormité tout aussi grande que la première absurdité. — Voilà un vers qui a un pied de trop, disait Sixte-Quint à un poète qui lui faisait hommage d’un sonnet. — Que votre sainteté ait la bonté de continuer ! dit le poète. Sans doute elle en trouvera par compensation un autre qui aura un pied de moins. — Voilà l’image fidèle de l’entêtement des faiseurs de cosmogonie. De plus, tous menacent de porter hors de notre pays le fruit de leurs élucubrations et de priver ainsi leur ingrate pairie de la gloire qu’elle devait attendre des créations de leur génie. Je n’ai point encore appris que la France ait eu à déplorer de pareilles pertes. Tout ce que j’ai pu conclure de ces tristes communications, c’est la vérification de ce théorème aussi sûr que tous ceux de la géométrie, savoir qu’il serait plus facile de donner du bon sens à un fabricateur de mondes que de lui persuader qu’il n’en a pas. La cosmogonie marche de pair avec le mouvement perpétuel.

Une fois la terre constituée avec sa lune et son atmosphère réduite à une limite bien distincte de tous les autres corps célestes, nous entrons dans la série des considérations géologiques. Peu à peu les liquides que la chaleur tenait en suspension dans l’atmosphère à l’état de vapeur commencent à se précipiter en pluies de diverse nature. Nous avons déjà dit que c’est à certaines pluies de substances carbonifères que M. Boutigny attribue la formation des houillères. Cette idée généralisée est neuve et féconde. Aucun théoricien jusqu’ici n’a suivi ces diverses précipitations de notre atmosphère, qui ont dû avoir lieu à mesure que le refroidissement forçait chacune des substances primitivement en vapeur de retomber en liquide sur le noyau central. Ainsi, vers la température de 350 degrés thermométriques, les pluies de mercure ont commencé ; les pluies d’eau n’ont été possibles que quand l’atmosphère n’était plus qu’à 100 degrés. À quelle époque ont commencé les précipitations des autres substances, soit simples, soit composées ? Quelles étaient au milieu de tous ces matériaux hétérogènes les réactions chimiques de ce vaste laboratoire atmosphérique, à l’équateur, vers les pôles et dans les régions intermédiaires ? Suivant les belles expressions de Lucain, — cherchez, ô vous que préoccupe l’organisation du monde !

Quærite, quos agitat mundi labor et cura !

Peu à peu la surface du noyau terrestre se solidifie par un refroidissement