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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 avril 1855.

L’Europe vient de passer un mois à se demander avec un redoublement d’anxiété ce qu’elle pouvait attendre des efforts de ses armées ou des dernières tentatives en faveur d’une solution satisfaisante de la crise actuelle. Elle a vécu, fixant à la fois son regard sur la Crimée, où le feu de l’artillerie alliée a été rouvert contre Sébastopol, et sur Vienne, où la conférence délibérait, — suivant cette marche simultanée du combat et de la négociation, et cherchant ce qui l’emportait, la paix ou la guerre. Qu’allait-il sortir de cette situation extrême ? Le dénomment est connu aujourd’hui : la guerre suit son cours pour le moment ; c’est la diplomatie qui a échoué, et qui a, sinon définitivement interrompu, du moins suspendu et ajourné ses travaux sous la forme d’une délibération collective. Lord John Russell a quitté Vienne, et le ministre des affaires étrangères de France revient à Paris. Voilà où a conduit la seconde conférence de Vienne ; elle finit, comme la première, par l’impuissance devant l’inflexibilité de la Russie. Seulement les circonstances sont autrement sérieuses qu’a l’époque où la note proposée au cabinet de Saint-Pétersbourg était le dernier mot des exigences européennes pour étouffer dans son germe une question redoutable. Le démêlé diplomatique suscité à Constantinople est devenu la guerre avec la Turquie ; de la guerre avec la Turquie, la force des choses a fait sortir la guerre entre la Russie et les puissances maritimes, de même que de la guerre dans la Mer-Noire et en Crimée la force des choses peut faire sortir la guerre dans l’Europe entière. C’était à l’origine une question que tout le monde conspirait à éluder ; une impudence de l’ambition russe en a fait une question d’équilibre général, qui domine encore aujourd’hui les opérations de nos armées, comme elle dominait hier les délibérations diplomatiques de la conférence réunie à Vienne.

C’est le 9 avril que le feu de toutes les batteries alliées a été rouvert contre Sébastopol, et que le bombardement, longtemps interrompu, a recommencé.