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Les remparts de la ville avaient des vues sur les dehors de la place. Aussi, quand l’engagement eut cessé dans la couronne et la contre-garde, l’artillerie des assiégés, ne craignant plus de tirer sur les Espagnols, commença un feu nourri sur les Français. C’est pour cela sans doute que j’ai trouvé sur un plan du siège, tracé à l’époque même, des indices de logemens commencés dans l’ouvrage couronné par notre infanterie, qui dut chercher à s’y couvir.

Aussitôt le signal de l’assaut donné, le roi, Monsieur et la cour s’étaient rapprochés de la contrescarpe; quand les mousquetaires parurent sur le rempart, la vue de ces braves avait fait éclater dans l’armée le plus grand enthousiasme. Aussitôt le prieur de Vendôme, aide de camp du roi de service, fut dépêché par le maréchal de Luxembourg auprès de la personne de sa majesté pour lui porter cette bonne nouvelle. Louis XIV disait la chose impossible, et ne voulait pas en croire ses yeux, quand M. de Vendôme lui montrait les habits rouges de sa maison couronnant les murs de la ville. Ce fut une allégresse indicible au camp et à la cour. Ce résultat inespéré combla le roi de joie, et comme quelques momens après la nouvelle que la place voulait capituler était arrivée, Louis XIV envoya les ordres les plus sévères pour empêcher le pillage.

Une centaine d’officiers s’étaient joints aux mousquetaires et aux grenadiers à cheval. Aux noms que nous avons déjà cités, ajoutons ceux de MM. le marquis de Wins, de Barrière, de la Hoguerre, de Rigoville, de Bois-Tiron et de Labarre. Cette troupe de cinq ou six cents hommes avait pénétré dans la rue d’Anzin et dans le reste de la paroisse Saint-Waast, qui se trouva d’abord déserte à cause de la profusion des bombes qui en avait éloigné l’assiégé; mais, si tôt que dans le camp on sut les Français entrés en ville, le feu de l’artillerie cessa... C’est alors que les compagnies bourgeoises qui s’étaient réunies à l’appel du tambour, par un retour vigoureux, forcèrent les Français à se retirer jusqu’au pont du Moulin, où nos troupes prirent position. Le marquis de Bourlemont, brigadier d’infanterie, colonel de Picardie, fut tué en cet endroit. Quelques instans plus tard, le maréchal de Luxembourg faisait enfoncer la grande porte de la ville et entrait à la tête des gardes françaises. Les assiégés battirent alors la chamade. Le maréchal ordonna aussitôt le désarmement de la cavalerie ennemie, qui stationnait sur la place, et envoya des otages au roi « pour solliciter sa miséricorde... Comme ces choses se faisaient, M. Leduc, lieutenant, et MM. Tardreau, Tasse et Wery, échevins, se joignirent et s’avancèrent jusqu’à la rue d’Anzin. Là ils rencontrèrent M. le duc de Luxembourg, lequel les arrêta, les interrogea, et dit aux siens en leur présence : — Messieurs, si quelqu’un de la ville a encore la hardiesse de tirer un seul coup de fusil,