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Français eurent trouvé le passage de la poterne, sur le bord de l’Escaut, ils n’eurent guère à se déployer, et combattirent toujours au contraire sur un front des plus étroits, à la barrière de la palissade, sur le pont à bascule, dans le couloir du pâté et ailleurs.

La circulation se trouvait alors établie librement entre le camp français et le pont à bascule au pâté. Les abords de ce pont étaient retranchés par une bonne palanque ou porte palissadée; il s’y livra une chaude affaire. Les assiégés, on l’a déjà dit, n’avaient aucune idée que les Français songeassent à donner l’assaut pendant le jour. Ils regardaient sans doute comme probable que quelque attaque de vive force pût avoir lieu la nuit suivante, mais ils ne la craignaient pas pour l’instant. Fatigués de leur nuit, une partie des bourgeois s’étaient absentés pour rentrer en ville. Ces gardes civiques, moins disciplinés que l’infanterie régulière espagnole, avaient laissé aux régimens de Lumbres et de Sylva le soin de défendre les dehors, et jouissaient d’un petit moment de délassement dans les faubourgs, quand de terribles détonations et les cris de tue! tue! leur apprirent que les Français, contrairement à tous les précédens en usage, se permettaient d’insulter l’ouvrage couronné en plein jour, et que les défenseurs commis à sa garde n’avaient que le temps d’aller reprendre leurs postes de combat. Cependant l’attaque avait marché vivement. Après avoir traversé la petite porte près de l’eau, nos éclaireurs arrivaient sur la plate-forme située en arrière de l’angle de la contre-garde, et nous occupions cet ouvrage, quand les bourgeois débouchèrent du paté, la mèche allumée et la balle en bouche, fifres et tambours en avant, pour porter secours aux ouvrages avancés. Les Valenciennois et nos soldats se heurtèrent au point où se trouve aujourd’hui la tête du pont. Il ne m’est pas démontré que le guichet en fût fermé, je crois au contraire que l’ennemi ne défendit pas la barrière; il était pressé d’arriver, et dans le premier moment il ne dut pas songer à la défensive[1] .

La colonne des bourgeois qui accourait de Valenciennes, reçue en

  1. « M. Stas, qui commandoit au corps de garde du pont du pâté et s’occupoit plutôt à faire lever le pont-levis qu’à défendre le guichet, comme il eût été raisonnable de faire, reçut un léger coup de sabre sur l’épaule droite, et fut fait prisonnier avec son enseigne et quatre de ses soldats, dont deux furent blessés. Un de ces deux, nommé Adrien Boulanger, natif de Vallentiennes, s’efforçant de lever le pont-levis, et ne le pouvant à cause de la multitude des pierres et des briques que le canon des ennemis avait fait tomber d’en haut, fut percé d’un coup d’épée qu’il reçut au ventre et en mourut trois jours après. Ce premier pont étant franchi, les ennemis parvinrent au deuxième, qui était sur la rivière (c’était le pont du rempart de la ville) ; mais par bonheur Jean Wainepain, charpentier et canonnier de la ville, avec Nicolas Menar, graissier, avoient levé ledit pont et fermé les battans des portes au dedans. Nicolas Menar quitta ce poste et courut promptement à l’hôtel de ville pour informer le magistrat du progrès de l’ennemi. » (Journal d’un bourgeois de Vallentiennes.)