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la session était alors ouverte, et dans laquelle le parti anti-catholique exerçait dès cette époque une grande influence, forcerait Jacques II à déclarer la guerre à la France. En un mot, le moment d’abattre la grande puissance de nos armes était arrivé.

Informé de tous de ces détails, Louis XIV, qui se doutait bien qu’après s’être emparés de Philippsbourg, ses ennemis feraient de grands efforts au début de la campagne qui allait s’ouvrir du côté de l’Alsace et de la Lorraine, résolut fort habilement de commencer de bonne heure ses opérations en Flandre, afin qu’après y avoir fait quelques conquêtes, il eût le temps d’envoyer en Allemagne des renforts de troupes[1] . Au surplus tout engageait le roi à faire diligence; le 21 mars, quatre jours seulement après la prise de Valenciennes, M. de Perthuis écrivait de Gourtray : « Il vient d’arriver douze mille Hollandais qui sont campés entre Gand et Bruges, près du canal.

Jamais plan de campagne ne fut mieux conçu, plus soigneusement préparé, exécuté d’une façon plus brillante. Arrivé à la censé d’Urtubise, petite métairie tout près de Valenciennes, Louvois informait Louis XIV de l’investissement de la place, qui s’opéra avec la rapidité de l’éclair par les troupes de M. de Montai, lieutenant-général, et par celles du maréchal duc de Luxembourg. Louvois avait eu soin d’envoyer, comme de raison, des ordres aux gouverneurs des villes fortes pour pourvoir à la sûreté des passages et des routes que le roi et Monsieur devaient suivre pour se rendre à l’armée. Le maréchal d’Humières, chargé du commandement des troupes destinées à servir sous les ordres du duc d’Orléans, vint camper à Mézières-sous-Mons, et fit occuper les avenues de cette place, afin d’empêcher l’arrivée des secours qu’on chercherait à en tirer pour Valenciennes. Quelques extraits de la curieuse correspondance de Louvois nous le montrent fort préoccupé de cette pensée.

M. de Montal écrivait à Louvois le 1er mars, au Quesnoy, à huit heures du matin : « Monseigneur, je reçois votre lettre d’hyer au sujet des trois cents hommes de Saint-Sauve et du pain de munition. Je monte à cheval, et l’investissement sera exécuté comme vous l’ordonnez. » Le 1er mars aussi, le maréchal d’Humières rendait compte au ministre qu’il avait entouré Mons de manière à faire croire à l’intention des Français d’assiéger la ville, et cela dans la pensée d’empêcher les Hollandais d’envoyer du secours à Valenciennes. Le 2 mars, le marquis de Quincy écrivait de Villers qu’il avait pris des mesures analogues pour ôter à la garnison de Cambrai l’envie de jeter des renforts dans la place que se disposait à assiéger le roi.

  1. On sait de quelle manière le maréchal de Créquy remplissait les vues de Louis XIV dans le courant de l’année, et traitait l’armée du duc de Lorraine.