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3o Canal direct sans écluses. Longueur, 140 kilomètres.


Ouverture du canal sur 100m de largeur au plafond 205,500,000
Retenues de chasse et somme à valoir 24,500,000
Travaux maritimes à Suez et à Tineh 70,000,000
Total 300,000,000 fr.

Ces deux derniers projets, fussent-ils praticables, coûteraient donc autant et plus que le tracé par la vallée du Nil, et en s’en tenant à celui-ci, le seul qui puisse être exécuté avec quelque confiance, on voit que la dépense en peut être évaluée à 162 millions au moins et à 200 millions au plus. Ces chiffres sont bien éloignés de l’estimation de 30 millions faite par M. Lepère, et encore plus de celle de M. Linant, qui est d’un peu moins de k millions pour le tracé par Alexandrie, et d’un peu plus de 10 millions pour le canal direct ; mais l’énoncé seul de ces chiffres suffit pour indiquer qu’il s’agissait, dans les idées de ces ingénieurs, d’un canal à dimensions restreintes et à petite navigation, et qu’il n’y a par conséquent aucune comparaison à établir entre ces diverses évaluations.

Je conclus de ce qui précède : 1o que le canal direct ou sans écluses est sujet a, une objection radicale, savoir l’impossibilité absolue de maintenir une passe d’une profondeur suffisante dans la baie de Tineh, et l’immensité des dépenses qu’il faudrait faire, soit pour l’essayer, soit pour établir une rade d’abri ; 2o qu’il est plus dispendieux que le tracé par la vallée du Nil.

Il est vrai que la longueur n’en est guère que de 140 kilomètres, tandis que celle du canal d’Alexandrie à Suez est de près de 400 ; mais si l’on tient compte de la provenance et de la destination des navires, qui presque tous appartiennent à des pays situés à l’occident de l’Egypte, on reconnaîtra que pour comparer l’espace parcouru dans les divers tracés, il faudrait ajouter à la longueur du tracé direct à travers l’isthme l’excès de parcours des navires entre Tineh et la hauteur d’Alexandrie. Eu égard à cette différence et à la difficulté qu’éprouveraient les navires sortant du canal pour s’élever au vent en se dirigeant du fond de la baie de Tineh vers l’Europe, l’avantage que présente sous le rapport de la longueur le tracé direct se réduit à peu de chose, et il serait, d’ailleurs plus que compensé par les dangers que présente la navigation du golfe de Peluse.

Ces considérations capitales suffiraient pour décider la question, mais je pense que plusieurs autres motifs doivent diriger dans le même sens les idées des hommes qui cherchent à réaliser la communication des deux mers. En premier lieu, il faut s’attendre à une opposition obstinée du gouvernement égyptien à tout tracé qui éloignerait du sol du pays le tracé de cette importante voie navigable,