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mais, la hauteur des chasses dont on pourrait disposer par ce procédé n’excédant pas 2 mètres, il n’y aurait rien à en attendre pour l’approfondissement d’un chenal dont la longueur dépasse 6 kilomètres. Toutefois, comme il ne s’agissait dans le projet de M. Lepère que d’une navigation à 3 mètres de tirant d’eau, il y avait bien peu à faire pour obtenir cette profondeur dans le chenal, et on comprend que cet ingénieur n’ait pas hésité à faire déboucher son canal projeté dans le port actuel de Suez, en apportant à ce port et au chenal qui y conduit les améliorations dont ils sont susceptibles.

Il serait superflu de démontrer qu’il n’y a rien à espérer d’un système de chasses, si énergique qu’on le suppose, pour maintenir une passe de 8 mètres de tirant d’eau dans un chenal de 6 kilomètres et avec une marée moyenne de 1m 50. Je ne dirai pas pour y parvenir, mais pour le tenter il faudrait d’abord exécuter deux digues pleines sur toute la longueur du chenal actuel, et, ces digues exécutées, la retenue des chasses serait tout à fait impuissante pour agir sur la passe située à l’extrémité des digues, c’est-à-dire à plus de 6 kilomètres de l’écluse de chasse. Le canal alimenté par les eaux du Nil arrivant à Suez à la cote 6 mètres, il eût été possible de régler la retenue à ce niveau avec les eaux du canal ; mais, même avec cette ressource, je ne pense pas qu’on pût espérer, à beaucoup près, de maintenir la profondeur nécessaire pour rendre la passe praticable à des navires de 7 mètres de tirant d’eau, ce qui, attendu le mouvement de la mer, exigerait au moins 8 mètres en hautes eaux, soit 6m50 en basses eaux. D’ailleurs, ni la ville ni les établissemens du port de Suez ne sont dignes des sacrifices qu’il faudrait faire pour les utiliser ; rien n’empêche donc de faire déboucher le canal sur le point de la rade le plus favorable pour l’établissement d’un nouveau port. D’après les renseignemens que j’ai pu réunir, je suis disposé à penser que la situation la plus avantageuse pour le nouveau port est à 5 kilomètres à l’ouest de Suez. Cet emplacement présente en effet plusieurs avantages :

1° Il est en dehors des bancs de sable qui encombrent la partie nord-est du golfe de Suez, et qui rendent si difficiles les abords du port actuel. Je n’ai aucun doute qu’on ne trouve à une petite distance de la plage la profondeur nécessaire, car la partie occidentale de la rade de Suez est la plus profonde, et la profondeur va en augmentant du côté de la rive nord-ouest, ainsi que le témoignent les sondes du commandant Moresby, qui indiquent 6, 7 et 8 brasses presque tout près de la laisse de basse mer, dans toute la partie nord-ouest de la rade.

2° Ce port serait mieux placé par rapport à la rade, dont la partie occidentale est la plus profonde et la mieux abritée.