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cultoribus. Lorsque Tacite parlait ainsi, les Boïens venaient de disparaître devant une invasion germanique. Pressés entre les Romains au sud et les Germains au nord, ils avaient résisté plusieurs siècles : ils eurent d’abord l’honneur d’arrêter longtemps les Barbares, ils vainquirent la grande invasion cimbrique qui menaçait Rome, et l’obligèrent à changer de direction ; mais bientôt, ayant porté secours aux Helvètes pendant la guerre des Gaules, ils sont écrasés par César, et quelques années après, les Daces et les Gètes envahis sent leur pays et le ravagent. Affaiblis par ce double désastre, déjà presque réduits aux travaux de la paix, comment auraient-ils pu repousser les attaques des Marcomans et de leur impétueux chef Marbod ? Les Boïens avaient occupé la Bohême pendant quatre siècles ; la domination des Marcomans dure à peu près le même temps ; elle commence aux premières années de l’ère chrétienne et se prolonge jusqu’à la grande invasion hunnique, qui, à la fin du IVe siècle, bouleversa la Germanie tout entière. Quand l’empire des Huns se dissout à la mort d’Attila, et que les peuples réunis sous son glaive s’établissent par toute l’Europe, la Bohème, après maintes guerres confuses, devient le patrimoine des Tchèques.

Après cette introduction, qui jette une attrayante clarté sur une période de ténèbres, M. Palacky va entrer en plein dans son sujet. Cette première apparition des Slaves dans l’histoire de l’Europe provoque les recherches savantes et l’art ingénieux du narrateur. D’où venaient les Tchèques ? quelle place occupaient-ils dans le monde ? quelles étaient leurs mœurs et leurs croyances ? Questions confuses qui ont exercé la sagacité patiente de Safaryk, et que M. Palacky résume avec netteté. Il y avait longtemps que les Slaves habitaient l’Europe orientale quand ils parurent à leur tour sur la scène de l’histoire. Parmi les peuples qui, de la Baltique aux monts Ourals et de l’Adriatique à la Mer-Noire, s’étendent aujourd’hui jusqu’aux confins de l’Europe et de l’Asie, les Slaves sont incontestablement les plus nombreux ; rien n’est changé ici depuis les origines. Il y a quatorze cents ans que ces peuples ont une histoire ; la période moins connue qui précède et qui va se perdre dans le mystère des premiers âges nous les montre à peu près au même lieu. Membres de la grande famille indo-européenne, parens des anciens Thraces, des Grecs, des Latins, des Celtes, des Germains et des Lithuaniens en Europe, des Indous, des Perses, des Mèdes et des Arméniens en Asie, ils étaient établis déjà, dès l’antiquité la plus reculée, dans la plus grande partie des contrées où nous les voyons encore. Race pacifique et livrée aux travaux agricoles, ils formaient d’abord une société patriarcale ; point de chefs héréditaires, point de maîtres et d’esclaves ; le gouvernement était dévolu aux vieillards. Leur