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élèvent à un taux extraordinaire. C’est donc à Damas, et avec raison, que la plus grande partie des approvisionnemens se fait, tant pour aller que pour revenir. Or les châteaux ont pour mission de garantir ces approvisionnemens des atteintes de la convoitise des Arabes, car c’est surtout dans le désert qu’il ne faut pas s’en rapporter à la foi publique. Avec les provisions, la caravane laisse dans chaque château une dizaine d’hommes sous la direction d’un commandant qu’on appelle odobachi. Cette garnison a pour mission de défendre le château s’il vient à être attaqué, de veiller à la conservation des vivres déposés, enfin, quand il y a lieu, et dans les châteaux où il existe des puits, de tirer de l’eau tant au moyen d’une roue et de cordes dont on a eu soin de la munir qu’au moyen de chevaux qu’on renferme avec elle. A peine entrée dans le château, la garnison, qui compte toujours quelques maçons et quelques charpentiers, assez ordinairement chrétiens de Damas, se met, pour plus de sûreté, en devoir de murer la porte du fort. Ces hommes, ainsi mis à couvert des tentatives que les Arabes pourraient faire contre eux, passent là deux ou trois mois prisonniers, et ne sont rendus à la liberté que par le retour de la caravane, avec laquelle ils reviennent à Damas. Dès qu’ils ont calculé que la caravane approche, ils se mettent en devoir de tout disposer pour une plus facile distribution des vivres et pour tirer des puits de l’eau qui, conduite par d’étroites rigoles, se rend dans des réservoirs extérieurs où les pèlerins trouvent ainsi de quoi se désaltérer. Une fois la garnison sortie du château, la garde en est confiée à ces mêmes Arabes contre lesquels tant de précautions avaient été prises. On conçoit que, comme les châteaux ne renferment plus rien, et que les Arabes attendent à l’arrivée de la prochaine caravane de Damas les présens qu’on est dans l’habitude de leur faire, ils ont un intérêt réel à s’acquitter convenablement de la mission dont on les charge; mais il faut avoir affaire à des tribus arabes, toujours désunies, pour que les choses se passent ainsi, car si au moment où la caravane part de Damas, les Arabes, venant à s’entendre, se retranchaient dans trois ou quatre châteaux seulement, ce ne serait pas avec ses quatre obusiers de montagne que la caravane pourrait ouvrir une brèche dans leurs murailles, et elle se trouverait obligée de continuer sa route sans pouvoir s’assurer des vivres pour le retour.

Malgré les précautions prises, ces garnisons ne se sont pas toujours trouvées en état de résister aux Arabes, et il y a des exemples de châteaux attaqués, enlevés et pillés, soit par l’imprudence des gardiens, soit autrement. Quand ces événemens se sont produits, la caravane, ne trouvant ni eau dans les réservoirs ni vivres dans les