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d’engagement de 1,360 piastres environ par homme (340 francs). Si cette somme est portée en dépense et payée par le gouvernement, elle est rarement dépensée, car il est d’usage, et pour cause, de recruter l’escorte parmi des gens qui, ayant une monture à eux, se disposent à accomplir le pèlerinage pour leur propre satisfaction religieuse, et qui, dans des vues d’économie, consentent à faire un service militaire pour avoir droit à la ration de vivres et de fourrage. Quand bien même l’effectif du cortège serait de cinq cents cavaliers payés, il y aurait encore d’assez fortes malversations, car on porte en dépense, comme paie de chaque cavalier de l’escorte de la caravane, une somme de 1,360 piastres pour un service de quatre mois au plus, tandis que les irréguliers de l’armée ne reviennent qu’à 1,500 piastres par an, c’est-à-dire pour un service de douze mois. Les bachi-bozoucks de la caravane sont donc rétribués près de quatre fois plus cher que les bachi-bozoucks enrôlés à Damas même pour le service de l’année d’Arabistan, ou, en d’autres termes, de l’armée d’Arabie; mais il y a mieux, le chiffre de cinq cents cavaliers n’est jamais effectif, et c’est à peine si l’escorte s’élève à deux cent cinquante hommes; les pèlerins m’ont paru en être assez généralement convaincus. À ce compte, on devrait gagner, si cela peut s’appeler gagner, la solde des cinq cents bachi-bozoucks, plus la nourriture de deux cent cinquante hommes et de deux cent cinquante chevaux.

J’irai plus loin, car le champ des malversations est vaste. J’ai sous les yeux un état des chameaux affectés aux divers dignitaires et aux divers services de la caravane de La Mecque; cet état s’élève à un total de 2,491 chameaux. Sur ce nombre, il en est accordé au pacha commandant la caravane 226 pour son service personnel, ce qui, à raison de 250 kilogrammes que peut porter un chameau, représente déjà des moyens suffisans pour le transport d’un poids total de 56,500 kilogrammes; puis à ces 226 chameaux viennent s’en ajouter 40 autres pour le transport des provisions et de la suite du commandant supérieur. On peut juger si le pacha a besoin de tant de moyens de transport. Il est alloué d’une autre part au commandant de l’artillerie, laquelle se compose de quatre obusiers de montagne seulement, pour le transport de son matériel et de ses munitions, 95 chameaux, sur lesquels il y en a 60 qui, affectés au transport des munitions, peuvent bien porter entre eux 15,000 kilogrammes de poudre ou de projectiles, ce qui représente 1,300 coups à tirer par chaque obusier de montagne. Or ces obusiers ne servent pendant la marche qu’à donner le soir et le matin le signal de la halte et le signal du départ. En cent jours de marche, on ne doit pas brûler tant de poudre que cela. Que si par hasard on profite de l’occasion pour envoyer des munitions à La Mecque, la spéculation est