Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/355

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pendant quatre ou cinq tout au plus. Avant l’invention des bateaux à vapeur, la voie de terre l’emportait évidemment sur la voie de mer en sécurité et aussi en brièveté. Aujourd’hui c’est la voie de mer qui offre le plus d’avantages à tous ces points de vue comme au point de vue de l’économie, et à mesure que le nombre des pèlerins qui prennent la voie maritime augmente, le nombre de ceux qui passent par le désert diminue.

Si le commerce de Damas n’avait un intérêt réel à voir partir la caravane des murs mêmes de cette ville, si surtout les autorités damasquines n’en retiraient des bénéfices plus ou moins licites, quoique toujours très considérables, il y a longtemps que l’attention de la Porte aurait été appelée sur les inconvéniens d’un usage qui occasionne des dépenses très élevées, et qui n’a pour ainsi dire plus sa raison d’être. On ne saurait évaluer à moins de deux millions de francs les dépenses que la caravane nécessite annuellement; mais sur ces deux millions de francs, le tiers, sinon la moitié, tourne au profit d’employés de tous grades et de quelques spéculateurs qui s’entendent avec eux. Ces inconvéniens ont cependant frappé certains esprits et les ont portés à rechercher quels seraient les moyens de remédier au mal. — Voici, dans tous les cas, en quoi consistent quelques-unes des dépenses et en quoi pourraient consister quelques-unes des économies à opérer. Peut-être qu’après avoir tant vu et tant entendu discuter des budgets européens, on ne sera pas fâché de voir débattre un détail de budget asiatique. Ce spécimen servira aussi à démontrer quelles ressources la Porte pourrait, si elle le voulait bien, trouver dans sa réforme administrative, et ces renseignemens seront, à n’en pas douter, une satisfaction pour ceux qui désirent voir le malade se rétablir et prendre une nouvelle vie.

La Porte, dans l’intention de témoigner du respect dont elle est animée pour la religion du prophète, place ordinairement à la tête de la caravane un pacha du rang le plus élevé (un mouchir), et ce mouchir est presque toujours le gouverneur civil du pachalik de Damas. Un tel usage n’est pas de nature, on doit le concevoir, à amener promptement une meilleure administration de la province, car, même en supposant le pacha animé des intentions les plus droites et les plus sérieuses, il lui est impossible de se trouver en même temps à Damas pour administrer le pachalik, et sur la route de La Mecque pour y conduire et pour en ramener la caravane. Or sait-on ce que demandent de temps au pacha les préparatifs du départ et le double voyage à accomplir? Six mois, ni plus ni moins. L’absence est de près de quatre mois; les préparatifs du départ en demandent au moins deux, et ce n’est même pas trop de compter aussi deux mois de perdus après le retour, tant pour recevoir des félicitations que