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vers l’oratoire sacré... En quelque lieu que vous soyez, tournez-vous pour prier vers la maison d’Abraham. » Cependant, pour ne décourager personne, le Coran eut le soin d’ajouter que ceux qui jusqu’alors s’étaient tournés vers Jérusalem ne seraient pas pour cela privés de leur part du paradis. C’est le principe admis en jurisprudence, que la loi n’a pas d’effet rétroactif. Du reste il a été pourvu au cas où la route de Jérusalem elle-même se trouverait interceptée, et les auteurs ont émis l’opinion que dans de telles circonstances les pèlerins pourraient se réunir à Damas, où ils accompliraient leurs dévotions sur la montagne de Salahieh, qui domine cette ville au nord-ouest, montagne sur laquelle Mahomet vint un jour, et qui pour cela est considérée comme sainte.

Tels sont les ordres prétendus divins qui règlent l’obligation d’effectuer le pèlerinage de La Mecque, tels sont les palliatifs à l’aide desquels il a été pourvu aux difficultés qui seraient de nature à se présenter dans la pratique, tels sont les moyens plus ou moins habiles, plus ou moins raisonnables, à l’aide desquels on a voulu fixer les conditions religieuses à remplir pour exécuter dignement selon les vues de Dieu le plus grand acte de dévotion des musulmans. Il ne faudrait pas trop se récrier sur la peine que se sont donnée les commentateurs pour arriver à ces définitions plus ou moins subtiles, plus ou moins mystiques, car il n’y a peut-être, pas un verset du Coran qui n’ait donné lieu à d’aussi nombreux commentaires. L’esprit d’interprétation est la plaie de l’Orient; c’est à cet esprit que l’on doit tous les schismes qui ont troublé et qui troublent encore cette partie du monde.

Il est envoyé chaque année de Constantinople des présens à La Mecque, et en même temps que ces présens partent un certain nombre de pèlerins que n’effraient pas trop les longs voyages par terre, ou qui pensent peut-être se créer ainsi des titres religieux d’un caractère particulier. Ces présens sont d’abord dirigés sur Damas, d’où ils partent ensuite avec la grande caravane, car Damas est le point stratégique, si l’on peut parler ainsi à propos d’un acte de dévotion, où viennent converger toutes les routes du nord et de l’est du monde musulman. La route de Damas à la ville sainte, tracée à travers le désert, a été l’objet de soins particuliers dus tant à la munificence religieuse des kalifes et des sultans qu’aux dons et legs des fidèles de tous rangs. L’important était d’assurer de l’eau aux pèlerins et à leurs montures, et cela sans qu’on fût obligé de dévier de la route pour aller chercher des sources ou des puits. Les puits et les sources du désert furent donc reconnus avec soin et renfermés autant que possible dans des constructions défensives, bâties en pierre de taille avec cette solidité qui distingue l’époque des kalifes. Ce