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à élever l’individu dans l’échelle des êtres. Nous rencontrerons désormais de nombreux exemples de cette double action; nous verrons par conséquent l’animal à l’état parfait, placé tantôt au-dessus, tantôt au-dessous de son état de larve, suivant que l’avantage restera à l’une à l’autre de ces deux tendances contraires.


V. — MÉTAMORPHOSES DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES ET ACÉPHALES.

La découverte des métamorphoses chez les mollusques est toute moderne, et cette branche de la science nous réserve sans doute encore bien des découvertes. C’est en 1832 que le célèbre anatomiste allemand Carus décrivit pour la première fois les larves de l’anodonte, espèce de moule d’eau douce fort commune dans presque tous les étangs et les canaux de l’Europe[1]. Comme il arrive toujours en pareil cas, ce fait, très inattendu, fut d’abord nié. Ces larves furent déclarées n’être que de simples parasites extraordinairement multipliés dans les branchies des mollusques; on leur donna même un nom, et la haute autorité de Rathke et de Jacobson, les contradicteurs de Carus, fit généralement accepter cette interprétation erronée. A cette époque, fort modeste débutant dans la carrière médicale et n’ayant que trop de loisirs, je faisais de l’histoire naturelle tout en attendant les cliens. Sans rien connaître des problèmes soulevés par les travaux de mes célèbres confrères, je tombai sur le même sujet. Pendant cinq mois, je suivis jour par jour l’œuf des anodontes, depuis le moment de la ponte jusqu’à ce qu’un accident vînt détruire toutes mes couvées; mais j’en avais assez vu, et je crois pouvoir dire que, depuis la publication de mon travail et du rapport que voulut bien lui consacrer M. de Blainville, la métamorphose des mollusques acéphales a été mise hors de discussion[2]. D’autres recherches ont eu lieu plus tard. De l’ensemble de ces travaux, on peut conclure, pour l’embranchement tout entier aussi bien que pour chacune des classes qui le divisent, que la métamorphose se montre partout ici ce que nous l’avons vue ailleurs, et qu’elle est tantôt complète et tantôt incomplète ou nulle.

De tous les groupes secondaires dont la réunion forme l’embranchement des mollusques, le plus complètement étudié sous le

  1. Le mémoire de Carus parut dans les Nova Acta naturœ curiosorum.
  2. Ce rapport fut lu à l’Académie des sciences en 1835, au nom d’une commission composée de MM. Geoffroy Saint-Hilaire, F. Cuvier et de Blainville. Peut-être le lecteur trouvera-t-il que j’insiste outre mesure sur des détails tout personnels, mais il comprendra et excusera, j’espère, le sentiment qui me fait rappeler avec complaisance la date de mon premier parchemin scientifique.