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on commence à en rencontrer quelques-unes coudées en zigzags et devenues immobiles et raides. Qu’on les ouvre alors avec précaution, et à l’intérieur on trouvera la nymphe toute formée. Au moment de la métamorphose, le stratiome s’est bien détaché de sa peau de larve, comme nous l’avons vu faire aux insectes appartenant aux ordres précédons; mais, au lieu de la rejeter et d’en sortir, il est resté dedans, s’épargnant ainsi la peine de creuser une loge ou de filer un cocon. Au reste, cette peau est pour lui une habitation très vaste et qu’il est loin de remplir sous sa nouvelle forme. En changeant d’état, son corps s’est ratatiné de telle sorte que la nymphe occupe à peine l’espace correspondant à cinq anneaux de la larve. En revanche, les yeux, la trompe, les antennes, les pattes, les ailes ont poussé à l’extérieur, et des changemens non moins considérables ont eu lieu à l’intérieur. Ainsi allégée, la peau de larve servant de coque vient flotter d’elle-même à la surface de l’eau. Au bout de cinq ou six jours, la nymphe réveillée s’agite dans cette espèce de coffre, en fait éclater la partie supérieure, et le stratiome, dégageant ses membres un à un des étuis qui les enveloppent, sort de son berceau flottant. Plus heureux que la plupart des espèces à larves aquatiques, il ne redoute pas de naufrages, car il est insubmersible, et c’est en marchant sur l’eau comme sur une terre ferme qu’il achève de retirer son corps des derniers langes qui l’emprisonnaient.

Après les diptères, nous ne trouvons plus que des insectes à métamorphoses franchement incomplètes ou nulles. Généralement on se borne à constater ce fait, mais l’idée toute générale que nous nous sommes faite des insectes permet d’aller un peu plus loin et d’envisager les modifications, la disparition même du phénomène, comme le résultat de deux causes immédiates distinctes ou au moins comme obtenues par deux procédés très différens. Les métamorphoses peuvent être rendues incomplètes soit par le développement pour ainsi dire prématuré de l’insecte dans l’œuf, soit par un arrêt dans le développement qui succède à l’éclosion. L’absence de métamorphoses s’explique par l’intervention de ces deux causes réunies.

Les orthoptères, comprenant les sauterelles, les grillons, etc., les hémiptères, dont font partie les punaises, les cigales, les fulgores, etc., n’ont que des métamorphoses peu marquées, parce qu’en sortant de l’œuf ils possèdent déjà la plupart des caractères distinctifs de l’état parfait. Par conséquent leur mode d’existence est également arrêté pour toute la vie. La larve d’une sauterelle par exemple saute et broute l’herbe, comme le faisaient ses parens; les organes de locomotion, de digestion, etc., ont tout d’abord leurs formes, leurs proportions définitives; — son appareil reproducteur est sans doute encore imparfait à bien des égards, mais déjà la future femelle porte à