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propres à broyer le limon qui paraît leur servir de nourriture. Le thorax, bien distinct, a déjà six pattes franchement articulées; l’abdomen, terminé par trois longs filets hérissés de soies, est recouvert de larges lames frangées que l’animal agite avec une extrême vivacité. Ces lames sont de véritables branchies, c’est-à-dire des organes de respiration aquatiques. De gros troncs trachéens pénètrent dans leur épaisseur et s’y ramifient, pour extraire du liquide ambiant et conduire dans tout le corps l’air nécessaire à la vie de l’insecte. Pendant deux années environ, l’éphémère vit ainsi à l’état de larve, acquérant peu à peu les dimensions voulues, puis elle passe à l’état de nymphe; mais celle-ci, bien au contraire de celles dont nous avons déjà parlé, ne change rien aux habitudes de la larve, habite la même galerie, conserve la même agilité, et n’en diffère que par l’apparition d’ailes rudimentaires qui se montrent à la partie supérieure du thorax.

Tous les ans, à la même époque, presque jour pour jour et heure pour heure, sans que les variations de température semblent exercer une influence bien marquée, du 8 au 18 du mois d’août, les éphémères subissent leur grande métamorphose. Entre huit heures et huit heures et demie du soir, quelques nymphes quittent leurs galeries submergées et atteignent le terrain sec. Presque aussitôt la peau du thorax se fend, et l’insecte parfait rejette son enveloppe aussi rapidement que nous quittons un habit. A l’instant même il s’envole, laissant attachées à sa dépouille ses branchies, que vont remplacer les stigmates, son appareil buccal, dont il n’aura que faire, etc. De moment en moment, le nombre des éphémères volantes s’accroît : vers les neuf heures, elles remplissent l’air; de neuf heures à neuf heures et demie, elles forment de véritables tourbillons, enveloppent l’observateur, tombent sur lui, dans l’eau, sur le sol, comme une neige épaisse, et s’entassent quelquefois en couches de plusieurs pouces d’épaisseur. A dix heures, à peine voit-on voltiger quelques individus isolés. Dans l’espace d’une heure, ces insectes, qui avaient rampé deux ans sous l’eau, se sont métamorphosés en animaux aériens pourvus de quatre ailes finement réticulées, se sont cherchés et aimés dans les airs, ont pondu des masses de sept à huit cents œufs, puis sont morts, méritant bien mieux que leurs frères de l’Hypanis l’épithète d’éphémères, prise dans son acception moderne.

Déjà dans le groupe que nous venons d’examiner, la métamorphose a quelque chose d’indécis. Entre l’éphémère et sa larve, il y a de nombreux rapports d’organisation. De plus, la nymphe ressemble à peu près complètement à la larve; elle est tout aussi agile qu’elle et mène le même genre de vie. Les termites, les libellules nous montreraient des faits analogues; mais du moins chez tous, surtout chez