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écailles qui donnent aux ailes de la piéride et à celles des autres papillons leurs couleurs caractéristiques. De ces ailes, de toutes leurs dépendances, la chenille en naissant ne possédait pas même l’apparence.

L’abdomen, qui correspond à la partie postérieure de la chenille, a perdu toutes ses fausses pattes. A cela près il a peu changé : la forme générale s’est quelque peu modifiée, les couleurs ne sont plus les mêmes; mais il est toujours divisé en anneaux assez distincts, et ceux-ci sont au nombre de sept.

Avant d’aller plus loin, faisons ici une remarque très importante. Ces mues, ces métamorphoses, tous ces changemens, si brusques en apparence, ne le sont pas en réalité. Sous la vieille peau, sous l’enveloppe qui sera rejetée, à l’intérieur même des membres qui doivent disparaître ou se transformer, se préparent peu à peu les nouveaux tégumens, se dessinent les formes futures, s’organisent les appareils qui vont devenir nécessaires. Au moment de la métamorphose comme à celui de la mue, il n’y a, à vrai dire, qu’un changement d’habit. Quelques jours avant chaque mue, fendez avec précaution la peau bien vivante encore de la chenille, et déjà vous trouverez au dessous celle qui doit prendre sa place. Faites de même avant la transformation de la chenille en chrysalide, et vous découvrirez des rudimens d’ailes et d’antennes. Coupez à cette époque les pattes écailleuses, et quand la chrysalide deviendra papillon, celui-ci naîtra estropié. Nous reviendrons plus loin sur ces faits. Disons ici seulement qu’il n’y a rien de soudain dans les métamorphoses de notre piéride, que pas plus ici qu’ailleurs la nature ne fait de sauts. Nous allons voir l’étude anatomique confirmer cette conclusion, que l’examen extérieur à lui seul permettrait de regarder comme démontrée.

Laissons de côté les changemens internes, dont les détails précédens suffisent pour faire pressentir l’existence. Ne parlons ni des muscles sous-cutanés, ni de ceux qui mettaient en jeu l’appareil masticateur, les fausses pattes, etc., et qui se sont atrophiés ou ont disparu avec ces organes. Oublions également tous ceux qui ont dû naître pour s’approprier à la forme nouvelle des pattes et pour mouvoir les ailes. Ne nous inquiétons pas des centaines de troncs et de filets nerveux, des branches et des ramuscules de trachées qui ont dû forcément paraître ou disparaître avec les parties qu’ils animent et vivifient. Bornons-nous à suivre rapidement Hérold dans ses recherches sur les métamorphoses de quelques grands appareils, et surtout dans celles qui touchent au système digestif et aux centres nerveux[1].

  1. Entwickelungsgeschichte der Schmetterlinge, 1815. Dans ce beau travail, qui peut encore aujourd’hui servir de modèle, l’auteur a pris pour exemple spécial la piéride, dont nous avons parlé jusqu’ici.