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d’une cinquantaine de brins. Cela fait, elle se redresse et mue pour la dernière fois; mais l’animal qui sort de la peau rejetée n’est plus une chenille, c’est une chrysalide qui, soutenue par les crochets de sa queue et par la sangle dont nous venons de parler, reste suspendue horizontalement au plafond de sa retraite, à peu près comme le sont dans nos cabinets d’histoire naturelle les poissons ou les reptiles trop grands pour trouver place dans les armoires.

Notre piéride, sous sa nouvelle forme, ne ressemble guère à ce qu’elle était auparavant. La peau, comme vernie par un liquide visqueux sécrété au moment de sa métamorphose et très promptement desséché, est coriace et presque cornée. Elle a pris une teinte cendrée, et partout elle est piquetée de jaune et de noir. Le corps a gagné en épaisseur, en revanche il s’est raccourci d’un bon tiers. Au lieu d’être d’un bout à l’autre composé d’anneaux à peu près semblables, il se partage en deux régions distinctes, dont la postérieure, courte et conique, est seule annelée, tandis que l’antérieure présente sur le dos une espèce de carène, et en avant une sorte d’éperon. Au premier coup d’œil, la tête, les pattes, semblent avoir entièrement disparu. Pourtant, en y regardant de plus près, on aperçoit à la partie antérieure des crêtes arrondies, des saillies disposées régulièrement. Sachant ce que deviendra plus tard cette masse encore inerte, on croit distinguer sous la peau, ou mieux sous l’enduit qui la recouvre, la trace de ces organes, celle de la trompe, des antennes, des ailes, à peu près comme on voit se dessiner confusément les formes d’une momie sous leur couche de bandelettes, — et il en est bien ainsi. Vers la mi-printemps ou au commencement de l’été, la piéride subit sa seconde métamorphose. Son enveloppe se fend sur le dos; de ces crêtes, de ces saillies sortent, comme d’autant d’étuis, les organes qu’elles renfermaient : l’animal se dégage bientôt en entier, et cette peau de chrysalide livre passage au papillon. Dans les premiers momens, les pattes encore molles peuvent à peine le soutenir; les ailes, plissées en zigzags microscopiques, sont courtes, épaisses et impropres au vol; la trompe s’étend en droite ligne, et les deux moitiés en sont souvent séparées; mais en peu de temps, sous l’action de l’air, les liquides surabondans s’évaporent, les jambes s’affermissent, la trompe s’ajuste et s’enroule, les ailes se déploient, et l’insecte, jadis rampant, puis immobile, s’envole vers quelque fleur voisine où il fait son premier repas.

Voyons en peu de mots, et autrement qu’en poète ou en homme du monde, ce qu’est devenu le petit ver sorti de l’œuf de notre piéride.

Le corps, presque partout couvert de poils qu’on aperçoit aisément à l’œil nu, présente trois régions bien distinctes, séparées par