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troubles, n’est point heureusement le jouet de ces grandes catastrophes qui emportaient tous les peuples et les laissaient a peine reposer. Au milieu des questions générales qui se déroulent, il ne reste pas moins tout un ensemble d’intérêts, une multitude de questions propres à chaque pays, et de cet ensemble de choses nait le mouvement contemporain, avec ses caractères divers. La Belgique, pour sa part, comme on sait, était depuis quelques semaines sous le poids d’une crise ministérielle qui allait en se prolongeant. Cette crise vient d’avoir un dénoûment : un cabinet est aujourd’hui formé, et les nominations des nouveaux ministres ont été signées par le roi. La combinaison qui a enfin prévalu avait été essayée déjà il y a peu de jours ; elle était l’œuvre d’un des membres éminens du parlement, M. de Decker. Au dernier moment cependant, par une circonstance qui n’a point été expliquée, elle échouait, et le roi en revenait à appeler M. Tesch, député d’Arlon ; mais ce dernier n’a point usé des pouvoirs qui lui avaient été donnés par le roi, et c’est alors que la combinaison qui avait précédemment échoué a été reprise. Les principaux membres du nouveau cabinet sont M. le comte Charles Vilain XIIII, ministre des affaires étrangères, et M. de Decker, ministre de l’intérieur, appartenant tous deux au parti catholique. M. Vilain XIIII était premier vice-président de la chambre ; il a été ministre plénipotentiaire près les cours d’Italie. C’est un homme d’un esprit remarquable, estimé de tous. M. de Decker s’est signalé surtout par son obstination à proclamer la nécessité de la conciliation des partis et par son opposition à toute politique exclusive. Les autres membres du cabinet sont M. Mercier, ministre des finances ; M. Dumon, ministre des travaux publics ; le général Greindl, ministre de la guerre, et M. Nothomb, ministre de la justice. M. Nothomb est le frère de M. le baron Nothomb, ministre du roi Léopold à Berlin et l’un des premiers hommes d’état de la Belgique. On n’a point oublié l’émotion qu’avait causée à Bruxelles la pensée qu’une pression étrangère avait pu déterminer la dernière crise ministérielle. Il n’en était rien cependant, comme nous le disions l’autre jour, et le chef du cabinet précédent, M. Henri de Brouckère, est venu déclarer dans le parlement qu’il n’y avait absolument rien de fondé dans ces bruits. C’est donc dans une situation parfaitement libre que le nouveau ministère entre aux affaires et qu’il pourra se présenter au parlement. La chambre des représentans doit se réunir de nouveau le 17 avril, et c’est alors sans doute qu’il sera permis de juger des conditions de force et de vitalité du cabinet qui vient de se former à Bruxelles.

C’est par d’autres épreuves malheureusement que l’Espagne a depuis quelque temps à passer. Ses crises sont plus profondes, elles touchent à tous les élémens de la situation politique et financière. L’assemblée constituante de Madrid avance lentement dans l’œuvre qu’elle s’est proposée, et elle est souvent arrêtée par des incidens qui révèlent l’incohérence où la dernière révolution a laissé le pays. Il y a peu de jours, il s’élevait encore dans les cortès une discussion certainement curieuse à plus d’un titre : il s’agissait de savoir si la révolution avait bien réellement détruit la constitution de 1845. Des doutes fort sérieux étaient émis sur ce point, — et qui exprimait ces doutes ? C’était le ministre des flnances du cabinet formé le 30 juillet par le duc de la Victoire, M. Collado. Ce dernier donnait une raison qui ne laissait point d’avoir son prix. Le décret qui l’avait nommé ministre le désignait