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hochet que voici (montrant la masse qui est sur le bureau), ce hochet s’est croisé avec le sceptre des Stuarts, et il l’a brisé. De mon temps, j’ai vu le bill de réforme enlevé par la chambre des communes malgré la résistance de la chambre des lords. Eh bien ! je conjure la chambre de bien peser les conséquences d’un conflit avec la presse de ce pays… » Sir James Graham, interrompu ici par quelques murmures, reprit avec plus de force : « Je dis que si vous voulez engager un conflit avec la presse, il faut ceindre vos reins et vous préparer pour une bataille sérieuse, et je vous déclare que vous ne serez pas les vainqueurs, si vous n’avez pas l’opinion publique avec vous. Ma conviction est que si vous commencez ce conflit dans l’état actuel des choses, vous ne serez pas les plus forts ; je dirai plus : je dirai que vous ne devez pas l’être, parce que je suis d’avis que le secret est contraire au bien public… Vous changez la nature de votre tribunal… Ce n’est plus une cour de justice, c’est une cour d’inquisition… »

Ces paroles étaient faites pour produire une impression profonde sur la chambre, et il n’y eut guère que M. Drummond qui chercha à les combattre, mais il le fit en des termes qui ne pouvaient que les confirmer. « On nous parle à chaque instant, dit-il, de nos alliés et de notre alliance. Quant à moi, je déclare que je n’en suis pas amoureux, de cette alliance ; je soupçonne fort que le pays ne se doute pas du tout de ce que c’est, et moi-même je doute beaucoup que ce soit une alliance. J’ai bien entendu parler d’un corps vivant enchaîné à un corps mort, je ne sais pas si c’est cela que vous appelez une alliance. Quand le moment viendra, et peut-être avant la fin de cette session, il se pourra bien que je dise une bonne fois, et carrément, à la chambre et au pays, ce que je pense de la nature de cette alliance… » La chambre, comme on le pense bien, n’en demanda pas plus long, et il ne fut plus question du huis-clos. Le comité siège maintenant plusieurs fois par semaine, et ses procès-verbaux sont publiés dans les journaux.

Nous disions que l’enquête aboutirait à une faiblesse ou à une folie. Jusqu’à présent, elle n’en est encore qu’à la faiblesse, et c’est peut-être ce qui pouvait arriver de plus heureux. Bien que l’intérêt public l’ait suivie avec avidité, elle n’a point répondu à ce qu’on attendait d’elle, et elle pourra bien être sauvée de l’indiscrétion par la publicité. Elle aura eu cependant un résultat, c’est de justifier la presse des attaques dont elle avait été l’objet, et de prouver la justice des plaintes portées contre la caducité et le désordre de l’administration militaire. Elle a prouvé en effet que l’Angleterre était plus organisée pour la paix que pour la guerre, que tous ses départemens ministériels et administratifs avaient été créés dans un esprit de