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d’autorité que son illustre maître, avait bien su, l’année dernière, forcer le parlement à voter et le public à accepter l’augmentation de la taxe du revenu. Lord Palmerston eût aussi bien dominé la majorité, s’il eût voulu se montrer plus ferme, et ce qui le prouve, c’est qu’une fois l’enquête décidée, le gouvernement et la chambre s’en trouvèrent aussi embarrassés l’un que l’autre. Les inconvéniens de cette espèce d’inquisition étaient tellement flagrans, que ses plus ardens promoteurs jugèrent eux-mêmes qu’il fallait la tenir secrète, et d’un autre côté ceux qui l’avaient combattue cherchèrent à la faire avorter en lui imposant la publicité.

Ce fut le libéral et radical M. Roebuck, le père de la proposition d’enquête et le président du comité, qui vint demander le huis-clos, et il appuya sa demande par des raisons que tout le monde prévoyait. « Nous sommes, dit-il, les alliés d’une grande puissance qui jour par jour en ce moment nous prête son concours. Maintenir l’intégrité de cette alliance et de la bonne intelligence entre les deux nations est assurément le désir de tous les membres de cette chambre ; mais accomplir ce désir, et en même temps donner à ceux que nous interrogerons la plus complète liberté de se défendre comme ils l’entendront, estime chose impossible… » C’était impossible en effet, et c’est précisément ce que comprenaient aussi ceux qui demandaient la publicité des interrogatoires. Sir James Graham, qui avait si énergiquement combattu l’enquête, réclama maintenant pour elle le grand jour, « J’ai, dit-il, grande foi dans la publicité comme contrôle de la dispensation de la justice. Pourquoi donc, je le demande, un tribunal qui juge la conduite des hommes publics, la réputation des généraux, des amiraux, des hommes d’état, serait-il établi sur d’autres principes que les autres cours de justice ?… » Sir James Graham dit ensuite à ses collègues qu’il ne fallait pas qu’ils se crussent un tribunal impartial, que l’esprit de parti et les animosités politiques devaient nécessairement influencer leurs décisions, et que pour cette raison surtout la publicité de l’enquête était un acte rigoureux de justice. D’ailleurs le secret était impossible ; quand même les onze membres du comité garderaient religieusement le silence, comment l’imposerait-on à tous les témoins qui seraient appelés ? La presse recueillerait les indiscrétions, et leur donnerait une publicité d’autant plus dangereuse qu’elle serait tronquée, et si le parlement voulait engager la bataille avec la presse, il fallait y regarder à deux fois avant de commencer cette campagne. Mais nous voulons laisser parler ici sir James Graham : « Ma conviction, disait-il, c’est qu’il s’établira une galerie d’acoustique entre la salle du comité secret et les bureaux du Times. Je n’ai pas, quant à moi, de plus ardent désir que de maintenir la dignité et l’honneur de cette chambre. Ce