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enthousiasme; leur tactique n'était pas toujours assez méthodique; les attaques se faisaient le plus souvent en tirailleurs, ordre qui peut être employé avec succès par les armées les plus régulières, mais qui permet aussi au soldat de suppléer par son intelligence à l'imperfection de son instruction. Frappés de l'aptitude de nos hommes à ce genre de combat, les comités de la convention qui présidaient à la réorganisation de l'armée décrétèrent la formation des demi-brigades d'infanterie légère; les hommes d'élite devaient être munis d'armes de précision et reçurent le nom de carabiniers. La carabine de 1793 est le premier modèle de cette espèce qui ait été régulièrement mis en service en France.

Mais les inconvéniens jusqu'alors inhérens à cette nature d'armes, le défaut de règles pour leur tir, d'instruction spéciale chez les hommes auxquels elles étaient confiées, les firent bientôt tomber en discrédit. Aussi disparurent-elles complètement de nos rangs, et lorsque Napoléon fit remettre en état l'armement fort délabré de nos troupes, la carabine ne fut pas comprise parmi les armes en service. Les régimens d'infanterie légère furent maintenus, leurs compagnies d'élite conservèrent le nom de carabiniers, il y eut même dans la garde impériale des régimens de chasseurs, de tirailleurs, de flanqueurs; mais aucun de ces corps n'était distingué ni par un armement spécial ni par une instruction particulière. L'empereur voulait que l'armement et l'instruction de l'infanterie fussent uniformes, et que tous les régimens fussent également aptes au service de troupes de ligne et à celui de troupes légères. Afin de faciliter l'exécution de sa volonté, il se borna à faire réunir en compagnies de voltigeurs les hommes les plus lestes et les plus intelligens que leur petite taille empêchait de devenir grenadiers; c'est une de ses plus belles créations militaires.

Le principe posé par Napoléon était juste; mais quelque respect qu'en de semblables matières on doive 'professer pour les opinions d'un tel homme, il est permis de dire qu'il en exagéra l'application. Sans doute il était digne de son génie d'établir que tout régiment d'infanterie doit savoir s'éclairer, se garder, combattre en tirailleurs; mais il était vrai aussi, même avec les armes existant alors, que, dans certaines circonstances de la guerre, pour attaquer ou défendre une ferme, un bois, un village, un ouvrage de fortification, pour inquiéter une troupe en marche, décimer un état-major, et dans bien d'autres cas, la présence d'un certain nombre de parti sans munis de carabines de précision pouvait être d'un grand se cours. Aussi les gouvernemens étrangers, satisfaits des services que leurs corps spéciaux de troupes légères avaient rendus pendant la guerre, les conservèrent après la paix, les perfectionnèrent et en accrurent le nombre. On en trouvait, sous des noms divers, en