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d'un instrument de mort, les plus belles créations de l'homme ont leurs imperfections, et plus on se servait du fusil, plus on remarquait les inconvéniens qu'il pouvait présenter. On s'aperçut bientôt que, répondant aux principaux besoins de la tactique moderne, il était insuffisant dans certaines circonstances de la petite guerre, et que, pour des troupes légères, il était désirable de trouver une arme dont le tir présentât moins d'incertitude. On rechercha les causes de cette incertitude, et on trouva que toutes ne dépendaient pas de l'ignorance ou de la maladresse des hommes, de l'état des munitions ou de l'arme, et qu'il en était d'inhérentes à la construction même de l'arme et du projectile. Voici quelles étaient les principales :

Pour que le fusil puisse se charger rapidement avec une simple baguette, et surtout pour continuer à s'en servir après avoir tiré plusieurs coups, il faut que le calibre de la balle soit plus petit que le diamètre intérieur du canon. Il en résulte que quand le projectile est chassé par l'inflammation de la poudre, il va frappant contre les parois du canon, et reçoit ainsi un double mouvement : l'un, d'oscillation, croissant à mesure que la balle s'éloigne de son point de départ, peut l'entraîner assez loin du but qu'elle devait atteindre ; l'autre, de rotation, produit le même résultat, s'il n'a pas été imprimé régulièrement, et si son centre ne se trouve pas sur le prolongement de l'axe du canon.

C'est donc à diminuer le mouvement d'oscillation qu'on appelle battemens ou plus habituellement vent de la balle, et à régulariser son mouvement de rotation, que s'appliquèrent les efforts des constructeurs d'armes. Deux découvertes, probablement dues au hasard, servaient de base à leurs expériences. Dans quelques-unes des premières armes à feu portatives, le canon se séparait en deux parties : l'une, plus courte, formait une espèce de chambre où l'on plaçait la charge et le projectile ; l'autre, plus longue, s'adaptait à la première quand celle-ci avait reçu la charge, et servait à diriger la balle au début de sa course. On revint à ce procédé, que l'on réussit à perfectionner : il permet, on le conçoit facilement, un chargement plus prompt et plus exact, ainsi que l'emploi de projectiles dont le diamètre se rapproche beaucoup de celui du canon ; mais on n'a pas encore trouvé le moyen de construire une arme à culasse brisée qui présente toutes les conditions de simplicité et de solidité exigées avant tout des armes de guerre. On tira meilleur parti d'une autre découverte. Dès les dernières années du XVe siècle, on avait fabriqué des canons d'arquebuse dans l'intérieur desquels on avait creusé des rayures ; cette disposition, dont le premier objet paraît avoir été de diminuer l'encrassement, eut pour résultat de permettre l'emploi de balles d'un calibre plus fort, qu'on enfonçait à coups de maillet, à l'aide d'une baguette plus lourde, et qui s'emboîtaient