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illusoire, j’espère le démontrer. — Dans cette partie de l’ouvrage, l’esprit anglais domine au plus haut degré et se retrouve au sujet des profits du capital et de la rente du sol. Il n’y a pas à insister sur ce dernier point : c’est du Ricardo respectueusement reproduit.

La production et la distribution nous amènent à l’échange. En tête du livre qui traite de l’échange figure, comme c’est de règle, une théorie de la valeur. On sait que chaque économiste a la sienne ; M. Stuart Mill n’a pas dérogé à la tradition, et son mérite est de rester précis dans un sujet aussi abstrait et aussi arbitraire. Pour lui, la valeur est un rapport, rien de plus ; c’est une quantité qui varie suivant les choses, les lieux et les temps. Elle est tantôt temporaire, tantôt permanente ou naturelle ; elle résulte aussi, et dans une certaine quantité, des frais de production et des prix de revient. Il y a des valeurs qui peuvent être indéfiniment accrues, il en est d’autres qui sont forcément limitées. La loi de la valeur se trouve dans les fluctuations de l’offre et de la demande ; la valeur s’élève quand le produit est demandé et s’abaisse quand le produit est offert ; cet effet est invariable. Quant à la mesure de la valeur, en vain s’en préoccuperait-on. Du moment que la valeur est reconnue pour ce qu’elle est, — une chose purement relative, — il est évident qu’il n’y a pas lieu de lui assigner une mesure fixe, un étalon constant. Poursuivre ce problème, c’est ressembler au géomètre en quête du mouvement perpétuel, ou à l’alchimiste aux prises avec la transmutation des métaux.

Si la valeur n’est qu’une mesure relative, la monnaie n’est autre chose qu’un instrument de circulation, dont le cours, quand il est librement débattu, se règle sur celui du métal et obéit aux fluctuations du marché. C’est ainsi que M. Stuart Mill envisage et définit le rôle de la monnaie ; puis il montre comment le crédit tend à s’y substituer, en sa qualité d’agent plus énergique de circulation ; il énumère les ressources qu’il crée et les formes qu’il revêt, depuis la lettre de change jusqu’aux rentes sur l’état. Les diverses et nombreuses opérations de l’échange, — le commerce entre nations, la répartition des métaux dans le monde commercial, etc., — sont rattachées à cet examen.

Jusqu’ici, on le voit, M. John Stuart Mill a marché sur les brisées de ses devanciers. S’il s’en écarte, c’est par des détails, des nuances ; rien de grave, rien de doctrinal. La production, la distribution, l’échange, ont un commentaire de plus, commentaire savant et, sauf quelques points, d’une orthodoxie parfaite. Il faut arriver aux deux dernières parties de son ouvrage pour rencontrer des vues qui lui soient propres et où il ne s’inspire pas de travaux antérieurs. C’est là ce qu’il nomme a une application de l’économie politique