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dans les épitaphes et qui me paraît exprimer à merveille la foi chancelante des païens dans une vie à venir ; cette faible espérance se peint avec toute son incertitude dans quelques-uns des sujets qui figurent sur les bas-reliefs funèbres. Deux époux se tiennent par la main devant une porte qui peut être celle du monde des âmes, qui peut être aussi simplement celle du tombeau. On est libre de voir, dans Endymion que Diane vient réveiller, la promesse d’un réveil aux pâles lueurs de la nuit infernale ; dans Cérès poursuivant sa fille jusque sur le trône de Pluton, le désir d’une mère d’aller retrouver son enfant chez les morts ; dans les Néréides portées sur des dauphins et tenant dans leur main des armes, l’indication du voyage des âmes à travers l’Océan vers les Iles-Fortunées, demeure des héros ; mais rien dans tout cela n’atteste une conviction positive, ni même un espoir assuré.

Le chou de quelques sujets empruntés à l’histoire héroïque de la Grèce semble d’abord indiquer l’intention de consoler les survivans, en leur rappelant qu’on a pu échapper à Pluton : telle est l’histoire d’Alceste ramenée des enfers par Hercule, de Protésilas rendu pour quelques heures aux prières de Laodamie ; mais quel époux affligé pouvait se persuader qu’Hercule descendrait de l’Olympe pour lui rendre une épouse enlevée par la mort ? Et dans le bas-relief qui représente la touchante histoire de Protésilas et de Laodamie, ne voit-on pas Protésilas, après qu’il a passé auprès de Laodamie les trois heures que celle-ci avait obtenues des dieux, reconduit aux enfers par Mercure, tandis qu’il ne reste de lui sur la terre que son ombre ou plutôt son image, vivant seulement dans le souvenir d’une épouse désolée ? Le choix de ces deux sujets me paraît avoir eu pour but moins d’offrir un espoir de réunion après la mort que de célébrer le triomphe de l’amour conjugal, respecté un moment par Pluton, et peut-être de glorifier le dévouement de la défunte à son mari.

S’il est des bas-reliefs funèbres qui offrent quelque indice d’une véritable croyance à l’immortalité de l’âme, ce sont ceux dans lesquels il y a des allusions aux mystères de Bacchus. Il paraît que les initiés à ces mystères croyaient, par leur initiation même, acquérir des droits à une autre existence dont la connaissance leur était révélée. En admettant qu’il en fut ainsi, il en résultera que la notion d’une autre vie était un secret et un privilège. Le christianisme seul a enseigné à tous l’immortalité de tous.

Cette explication donne un intérêt particulier aux nombreux bas-reliefs funèbres où sont représentés soit les triomphes de Bacchus, soit l’orgie sacrée. C’était par allusion à ces pompes bachiques, au thyrse surmonté d’une pomme de pin, qu’on avait placé au sommet du mausolée d’Adrien cette énorme pomme de pin en bronze qui, chose singulière, se dressa longtemps à l’entrée de l’ancienne basilique