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que lui-même. La duchesse de Longueville se présenta escortée du prince de Conti, son plus jeune frère, du prince de Marsillac, son amant, et donnant aux hommes de l’Hôtel-de-Ville, qu’elle avait choisi pour sa demeure, l’assurance du concours de son époux, gouverneur de la Normandie.

Personne n’ignore que durant cette première période de la guerre civile, le chef de la maison de Condé s’était, après de très longues hésitations, décidé à porter dans le parti de la régente le poids de sa gloire et de son génie militaire. « Il s’y était résolu, dit un contemporain, dans l’espoir qu’il allait devenir le maître du cabinet et de la fortune du cardinal, qu’il pourrait plus tard détruire quand il voudrait regagner l’affection publique, en le sacrifiant au parlement et au peuple. Ce fut dans cette pensée que son altesse fit offrir ses services à la reine, faisant sonner bien haut son attachement inviolable au service de sa majesté[1]. » A défaut du vainqueur de Rocroy, qui ne devint le chef de la fronde qu’après avoir été son plus redoutable ennemi, la faction accueillit avec enthousiasme le prince de Conti, dont elle fit son général. On peut juger de sa tournure militaire par cette circonstance si connue, que le prince de Condé, passant devant un singe, hôte habituel du palais de Saint-Germain, ne manquait jamais de s’incliner jusqu’à terre pour saluer le généralissime des Parisiens. Cette ressemblance compromettante n’empêchait pas le jeune prince de vouloir se marier et de trouver fort mauvais que son aine prétendit le faire cardinal malgré lui. Conti appartenait d’ailleurs à Mme de Longueville, sa sœur, par une tendresse dont la malveillance contemporaine calomniait sans doute l’ardeur. Il la suivit dans toutes les vicissitudes de sa vie, et sa qualité de prince du sang le porta, tant que son frère ne s’y plaça pas lui-même, à la tête d’une crise qui, comme toutes les insurrections, recherchait un drapeau plutôt qu’un guide. Une autre bonne fortune était réservée à la fronde, et le cardinal de Retz l’a célébrée avec sa fatuité habituelle : « Il me fallait un fantôme, et, par bonheur pour moi, il se trouva que ce fantôme était petit-fils de Henri le Grand, qu’il parlait comme on parle aux halles, et qu’il avait de grands cheveux bien longs et bien blonds. Je nommai, je louai et je montrai M. de Beaufort ; le feu prit en un instant. »

Le duc de Beaufort, tout récemment échappé de Vincennes, où le bon plaisir de la reine l’avait retenu cinq années, semblait fort à sa place à la tête d’une insurrection qui n’avait été à son origine qu’une protestation généreuse contre l’arbitraire ; mais les griefs qui l’avaient provoquée ne touchaient ni les princes venus pour prendre

  1. Mémoires de Guy Joly, année 1649.