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est dû à une multiplication progressive des cellules, s’accomplissant avec rapidité dans ce qu’on pourrait appeler la cellule-mère par excellence.

L’ouvrage de M. Schwann eut un grand retentissement et fit presque d’emblée de nombreux et illustres prosélytes. Ce succès était mérité et le paraîtra surtout à ceux qui, se reportant de quinze ans en arrière, tiendront compte de l’état de la science à cette époque[1] . Cette doctrine était séduisante; elle établissait, entre les deux règnes qui se partagent le monde organique, des rapports intimes et fondamentaux; elle ramenait à un point de départ unique toutes les formes de la matière animée; elle simplifiait des recherches fort pénibles; enfin, dans un grand nombre de cas, elle était manifestement confirmée par les résultats de l’observation, et, si quelque exception se montra dès le début, on put croire qu’elle finirait par rentrer dans la règle générale. Peu à peu cependant ces exceptions sont devenues plus nombreuses, et les partisans les plus décidés de la doctrine cellulaire ont dû rejeter quelques-unes des idées de l’auteur. L’assimilation de l’œuf à une cellule unique, par exemple, ne doit plus guère aujourd’hui compter de partisans. Par suite, le framboisement du jaune ne saurait être dû à une multiplication de cellules, comme l’entendait Schwann, alors même que les faits observés chez les vers et certains mollusques ne démontreraient pas que les lobes les mieux formés peuvent se refondre les uns dans les autres et ne sont par conséquent pas entourés d’une membrane. L’examen des invertébrés marins, qui déjà sur tant de points a corrigé des erreurs graves résultant de l’étude exclusive des animaux supérieurs, est généralement peu favorable à la doctrine cellulaire. Sans doute les faits et cette théorie s’accordent dans quelques cas. La plupart des mollusques, les némertes, les planaires, les synhydres, presque tous ces animaux, dont la Revue a souvent entretenu ses lecteurs[2], ont, il est vrai, des tégumens plus ou moins évidemment composés de cellules, et celles-ci sont sans nul doute leur élément premier. Nous en dirions volontiers autant pour la plupart des membranes qui revêtent, soit l’intérieur, soit l’extérieur de certains organes internes; mais, dès qu’il s’agit de ceux-ci, nous ne saurions conserver la même opinion. Jamais nous n’avons vu la fibre musculaire ou nerveuse commencer par une cellule; jamais ni dans l’une ni dans l’autre nous n’avons trouvé la

  1. Mikroskopische Untersuchungen über die Ubereinstimmung in der Structur und dem Wachstum dur Thiere und Pflanzen (Recherches sur la conformité de la structure et du développement des animaux et des plantes], Berlin 1839.
  2. Voyez les divers travaux compris sous le titre général de Souvenirs d’un naturaliste, de 1842 à 1854.